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Journée mondiale sans tabac 2025 : ‘‘Levons le masque sur l’industrie du tabac’’

Edité par : Safa Kaouther BOUARISSA | Journaliste
1 juin 2025

Le 31 mai 2025, à l’occasion de la Journée mondiale sans tabac, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et de nombreux acteurs de la santé publique se mobilisent pour alerter sur les stratégies nocives de l’industrie du tabac et de la nicotine, qui ciblent de plus en plus les jeunes.

Objectif 2025 : déjouer les tactiques de séduction

Sous le slogan ‘’Levons le masque !’’, la campagne de cette année vise à démasquer les techniques marketings utilisées pour rendre les produits du tabac et de la nicotine plus attractifs auprès des jeunes générations. L’OMS appelle à une prise de conscience collective et à la mise en place de politiques plus strictes, notamment l’interdiction des arômes, afin de limiter l’accès à ces produits et protéger la santé publique.

Une industrie qui cible les plus jeunes

Des méthodes bien rodées pour séduire les jeunes

Malgré les avancées notables dans la lutte contre le tabagisme, les industries du tabac et de la nicotine redoublent d’efforts pour contourner les réglementations et capter l’attention des adolescents.

Voici leurs principales tactiques :

  • L’ajout d’arômes et d’additifs pour adoucir le goût et masquer l’amertume naturelle du tabac ; Des goûts sucrés comme le bubble gum, la vanille, le cola ou les fruits rouges sont associés aux produits pour masquer le goût du tabac et attirer les non-fumeurs, notamment les plus jeunes.
  • Un marketing visuel soigné, via des emballages colorés, un design moderne et des campagnes sur les réseaux sociaux ; Les fabricants conçoivent des packagings colorés, brillants et design, semblables à des produits cosmétiques ou alimentaires, pour séduire les adolescents.
  • Des paquets de petites quantités : Certains produits sont proposés en formats mini (petits flacons d’e-liquide, paquets de 10 sticks), rendant l’achat plus abordable et moins intimidant pour les primo-consommateurs, notamment les adolescents.
  • Vente en détails (même par cigarettes) : Dans certaines régions, des commerçants proposent la vente à l’unité, parfois même par cigarette, facilitant l’expérimentation et l’usage occasionnel chez les jeunes.
  • Des produits trompeurs, qui imitent des objets du quotidien – bonbons, gadgets, jouets – pour séduire les plus jeunes.
  • Une communication maquillée en ‘’lifestyle’’: Les marques de tabac et de nicotine ont adapté leur marketing en adoptant les codes du style de vie jeune et branché. Elles utilisent des influenceurs sur les réseaux sociaux, des contenus viraux, des vidéos TikTok ou Instagram mettant en scène des jeunes dans des contextes festifs, urbains, ou de liberté.
  • L’illusion de produits moins nocifs : Les cigarettes électroniques, les produits à base de tabac chauffé et les sachets de nicotine sont promus comme des produits de « réduction des risques ». Ce message minimise les dangers réels de la nicotine et trompe les jeunes en leur faisant croire que ces produits sont inoffensifs ou non addictifs, alors qu’ils créent une dépendance aussi forte que le tabac classique.
  • Des prix accessibles: L’industrie veille à proposer des produits bon marché, souvent disponibles à l’unité ou en petits formats. Cela permet aux jeunes de s’en procurer plus facilement, même avec un budget limité, contournant les hausses de taxes sur les cigarettes traditionnelles.
  • Présence accrue dans les points de vente: Les cigarettes électroniques et les produits dérivés sont mis en valeur à hauteur des yeux dans les boutiques, près des caisses ou à l’entrée, là où les jeunes passent. Dans certains pays, ils sont également visibles dans les supérettes proches des écoles, accentuant leur exposition.
  • Des noms trompeurs et des organisations de façade: Des entités comme ‘’Fonds pour un monde sans fumée’’ ou ‘’Action mondiale pour mettre fin au tabac’’ donnent l’illusion d’un engagement pour la santé publique. En réalité, elles sont liées aux multinationales du tabac, et visent à influencer les politiques de santé publique tout en blanchissant l’image du secteur.
  • Contourner les interdictions: Pour échapper aux lois anti-tabac, certaines marques utilisent des packagings neutres mais attractifs, des formulations ambiguës sur la teneur en nicotine ou contournent les interdictions de publicité par le placement de produit dans les clips, films ou jeux vidéo.
  • Contournement des lois anti-publicité: L’industrie du tabac utilise les influenceurs, les jeux vidéo, les clips musicaux, ou les films pour diffuser ses produits en contournant les interdictions légales, visant un public jeune et influençable.
  • Sponsoring et événements culturels ciblés: L’industrie sponsorise discrètement concerts, festivals ou événements sportifs, avec une présence de marques de tabac ou de nicotine dans le décor, sur les goodies ou dans le merchandising.
  • Influence sur les réseaux sociaux: Des influenceurs, parfois mineurs ou jeunes adultes, font la promotion de ces produits en partageant des vidéos esthétiques ou des tutoriels sur leur utilisation, en normalisant la consommation.
  • Produits “technologiques” pour séduire: Les cigarettes électroniques ou les dispositifs de tabac chauffé sont présentés comme des objets high-tech, design et connectés, pour séduire les adolescents férus de gadgets.
  • Fausse image de “produit responsable”: Certaines marques adoptent une communication “écologique” ou “réduction des risques”, utilisant des discours pseudo-scientifiques pour rassurer les jeunes et leurs parents.
  • Une stratégie de confusion et de manipulation : L’industrie du tabac détourne les messages de santé publique en promouvant des produits prétendument « moins nocifs », comme les cigarettes électroniques ou les produits chauffés. Cela contribue à banaliser les risques et à attirer une nouvelle génération de consommateurs.
  • Conflit d’intérêt : Certaines organisations se présentant comme œuvrant pour la santé ont en réalité des liens étroits avec les fabricants de tabac. C’est le cas du « Fonds pour un monde sans fumée », que l’OMS qualifie de conflit d’intérêts. Elle appelle à ne pas collaborer avec ces entités liées à l’industrie.
  • Publicité déguisée dans les jeux vidéo ou séries: Présence subtile ou placement de produit dans jeux en ligne, clips ou séries appréciés des jeunes, souvent sans avertissement, créant une exposition inconsciente et répétée.
  • Produits personnalisables: Certains dispositifs permettent aux jeunes de personnaliser leur cigarette électronique (couleurs, coques, arômes), renforçant l’appropriation personnelle et l’attachement émotionnel.
  • Campagnes “rebelles” ou “libertaires”: La consommation est associée à la transgression, à l’affirmation de soi ou à la liberté, des valeurs puissantes chez les adolescents en quête d’identité.
  • Absence ou faiblesse des avertissements sur certains produits: Certains dispositifs ne comportent aucun message sanitaire visible, ou présentent des mentions peu explicites, minimisant la perception du danger.

Ces tactiques ne sont pas anodines. Elles sont le fruit d’une stratégie délibérée pour recruter de nouveaux consommateurs dès le plus jeune âge, maintenir une dépendance sur le long terme, et contrecarrer les politiques de santé publique. L’OMS appelle les gouvernements à déjouer ces manœuvres, à protéger les jeunes et à renforcer la réglementation contre l’ingérence de l’industrie.

Produits dangereux, marketing ciblé

L’OMS rappelle que tous les produits du tabac – y compris les cigarettes classiques, les cigares, les pipes, les cigarettes électroniques, les produits du tabac chauffé, les sachets de nicotine et le tabac sans fumée – sont hautement nocifs pour la santé. Il n’existe aucun seuil d’exposition sans risque, ni pour les fumeurs, ni pour les personnes exposées passivement à la fumée.

Chez les jeunes, la consommation de nicotine peut gravement altérer le développement du cerveau et favoriser une dépendance précoce.

Des chiffres alarmants : le tabac continue de faire des ravages en Afrique et en Algérie

Bien que les effets nocifs du tabac soient largement connus, il reste l’une des principales causes de maladies évitables et de décès prématurés dans le monde. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 8 millions de personnes meurent chaque année des suites du tabagisme, dont plus de 1,3 million de non-fumeurs exposés au tabagisme passif.

Des jeunes particulièrement ciblés

La situation est particulièrement préoccupante chez les jeunes : on estime que 37 millions d’adolescents âgés de 13 à 15 ans consomment actuellement du tabac dans le monde. Dans de nombreux pays, les taux d’usage de la cigarette électronique chez les adolescents dépassent désormais ceux des adultes, exposant une nouvelle génération à une dépendance à la nicotine. En Afrique du Nord, des enquêtes montrent que plus de 16 % des adolescents ont déjà essayé de fumer, et ce chiffre est en hausse.

L’Afrique, nouveau terrain de conquête pour l’industrie du tabac

Malgré les campagnes de sensibilisation, la consommation de tabac reste préoccupante en Afrique, où les stratégies de l’industrie visent souvent des marchés jeunes et moins réglementés. On estime qu’environ 77 millions d’adultes africains sont aujourd’hui des fumeurs réguliers.

Les 10 pays africains comptant le plus grand nombre de consommateurs de tabac (en millions) :

  1. Égypte : 18 183
  2. Afrique du Sud : 8 350
  3. Algérie : 6 665
  4. République démocratique du Congo : 5 713
  5. Soudan : 4 597
  6. Madagascar : 4 585
  7. Maroc : 3 541
  8. Nigéria : 3 534
  9. Éthiopie : 3 372
  10. Kenya : 3 066
L’Algérie face à une double consommation : tabac et café

En Algérie, où le café est déjà l’un des produits les plus consommés, le tabac représente un problème de santé publique majeur. Avec plus de 6,6 millions de fumeurs, le pays se classe parmi les trois plus grands consommateurs de tabac du continent africain. La prévalence du tabagisme reste particulièrement élevée chez les hommes adultes, mais l’usage chez les jeunes femmes et les adolescents est également en progression.

Renforcer les politiques publiques

L’OMS appelle les pays à protéger leurs politiques de santé publique contre l’ingérence de l’industrie du tabac. Elle recommande de mettre en œuvre l’article 5.3 de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT), qui vise à empêcher toute influence des fabricants dans les décisions politiques.

Des mesures urgentes à adopter pour freiner l’épidémie tabagique

Face à l’ampleur du fléau, les autorités de santé publique doivent adopter des politiques fermes et coordonnées, s’appuyant sur les recommandations de l’OMS et les preuves scientifiques. Parmi les actions prioritaires recommandées :

  • Renforcer la fiscalité sur les produits du tabac: Augmenter les taxes sur le tabac pour atteindre au moins 75 % du prix de vente. Cette mesure est l’une des plus efficaces pour réduire la consommation, notamment chez les jeunes et les personnes à faible revenu.

En Algérie, la fiscalité actuelle reste encore en deçà des standards mondiaux, ce qui rend les cigarettes largement abordables.

  • Créer des espaces 100 % sans tabac, y compris dans les lieux publics. Interdire totalement la consommation de tabac dans tous les lieux publics fermés et ouverts, y compris les écoles, les transports, les cafés, les hôpitaux, les administrations et les plages.

Mettre en place des contrôles rigoureux pour assurer le respect de ces zones.

  • Interdire toute forme de publicité pour les produits du tabac et de la nicotine, notamment en ligne, sur les réseaux sociaux, dans les médias et près des établissements scolaires. Bloquer les stratégies numériques des fabricants qui ciblent les jeunes à travers des contenus sponsorisés ou des influenceurs.
  • Renforcer les avertissements sanitaires sur les paquets : Exiger des avertissements graphiques et textuels couvrant au moins 75 % de la surface des paquets de cigarettes et autres produits nicotinés. Adopter des emballages neutres (sans logo, ni couleurs attractives) pour réduire l’attrait visuel.
  • Intégrer les programmes de sevrage dans les politiques de santé nationales: Former les professionnels de santé à l’accompagnement au sevrage, et intégrer des consultations anti-tabac dans les structures de soins primaires. Rendre accessibles et remboursables les traitements de substitution nicotinique (patchs, gommes, etc.) dans les systèmes de santé publique.
  • Interdire les nouveaux produits nicotinéset de produits du tabac chauffé : Bannir la production, l’importation, la vente et l’usage des cigarettes électroniques, des puffs, des produits du tabac chauffé et autres dispositifs similaires, particulièrement populaires chez les adolescents. Renforcer la législation pour empêcher leur introduction clandestine sur le marché algérien.
  • Interdire la vente au détail (à l’unité) de cigarettes, qui facilite l’accès des jeunes.
  • Empêcher la fabrication et la commercialisation de paquets de petite taille qui encouragent l’achat impulsif.
  • Renforcer le contrôle de l’âge légal à l’achat, avec des sanctions contre les contrevenants.
  • Lancer des campagnes de prévention massives, adaptées aux jeunes, en milieu scolaire et sur les réseaux sociaux.
  • Mettre en place un observatoire national du tabagisme pour collecter les données et guider les politiques publiques.

 

Mots clés : tabac ; tabagisme ; sevrage ; cigarette ; santé ; industrie ; jeune ; commerce ;

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