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Sécurité et santé au travail : l’impact décisif de l’IA et de la numérisation

Edité par : Dr Souad BRAHIMI | docteur en médecine
28 avril 2025

Chaque 28 avril, la communauté internationale célèbre la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, instituée par l’Organisation internationale du Travail (OIT). Son objectif est de sensibiliser aux risques professionnels et promouvoir une culture de prévention active contre les maladies et accidents liés au travail.

Une journée mondiale pour alerter et prévenir

Cette journée coïncide également avec la Journée internationale de commémoration des travailleuses et travailleurs blessés ou décédés sur leur lieu de travail, initiée par les syndicats en 1996. En 2003, l’OIT s’est associée à cette initiative, en soulignant la responsabilité partagée des gouvernements, des employeurs et des travailleurs dans la construction d’un environnement de travail sûr et sain.

L’introduction massive de l’intelligence artificielle (IA) et des technologies numériques transforme en profondeur les pratiques professionnelles. Ces innovations permettent de réduire l’exposition humaine aux dangers. Des robots remplacent désormais les travailleurs dans les environnements hostiles : températures extrêmes, produits chimiques, efforts physiques intenses.

Des capteurs intelligents, intégrés dans les vêtements, les machines ou les postes de travail, détectent en temps réel les signaux faibles d’un dysfonctionnement ou d’un danger imminent (chute, surchauffe, posture à risque). L’IA permet aussi de prédire les risques, en analysant les données comportementales ou environnementales, et ainsi d’intervenir avant qu’un accident ne survienne.

Cette avancée technologique comporte aussi des effets secondaires préoccupants. En l’absence de règles strictes et de contrôle humain, les outils numériques peuvent accroître les risques psychosociaux. L’intensification du rythme de travail, la surveillance algorithmique, la perte d’autonomie et l’effacement des frontières entre vie professionnelle et personnelle exposent les salariés à de nouvelles formes de stress chronique, d’épuisement et d’anxiété.

Par exemple, les plateformes numériques et les outils de télétravail, s’ils ne sont pas accompagnés de mesures de régulation, peuvent générer de l’isolement, une déconnexion floue, voire une pression constante de performance, néfastes pour la santé mentale.

La campagne 2025 de l’OIT met en lumière ces mutations. Elle se concentre sur les transformations induites par :

– l’automatisation intelligente des tâches,

– l’usage d’outils de santé et de sécurité connectés,

– la réalité augmentée et virtuelle dans la formation ou la prévention,

– la gestion algorithmique du personnel.

Un rapport international détaillé, accompagné de ressources pédagogiques, sera publié pour analyser ces bouleversements. Il visera à identifier les bonnes pratiques, les réponses efficaces des institutions, des entreprises et des partenaires sociaux, et à préconiser des cadres éthiques et juridiques adaptés à ces nouvelles réalités.

Chaque année, plus de 2,78 millions de personnes meurent des suites d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. À cela s’ajoutent 374 millions d’accidents non mortels, qui causent des arrêts de travail prolongés, une perte de revenus, et des séquelles physiques ou mentales durables.

Ces données, issues des estimations de l’OIT, montrent que la sécurité au travail reste un enjeu de santé publique mondial, au cœur des droits fondamentaux des travailleurs.

Les avancées scientifiques et les mutations économiques ont fait émerger des risques professionnels inédits :

  • Risques technologiques : L’introduction des nanotechnologies, de la biotechnologie ou de l’intelligence artificielle expose les travailleurs à des substances ou processus encore mal connus. Leur impact sur la santé à long terme n’est pas toujours documenté.
  • Conditions de travail dégradées : La course à la performance, les effectifs réduits, et la flexibilité extrême entraînent une intensification du travail, parfois au détriment de la santé physique et mentale. Les migrants, les travailleurs de l’économie informelle ou les salariés en contrat précaire sont souvent les plus vulnérables.
  • Évolution des formes d’emploi : Avec le développement du freelancing, de l’externalisation ou des emplois temporaires, de plus en plus de personnes exercent sans accès aux droits fondamentaux (couverture santé, congés, protection sociale), ce qui fragilise leur sécurité au travail.

Aujourd’hui, la prévention ne peut plus se limiter à l’équipement de protection. Elle doit s’appuyer sur :

  • l’analyse des risques ergonomiques (troubles musculo-squelettiques),
  • l’évaluation du stress chronique et des facteurs psychosociaux,
  • la veille scientifique sur les effets des expositions nouvelles,
  • la formation continue des professionnels de la SST.

La prise en compte du bien-être global du salarié, tant physique que mental, devient une exigence centrale pour construire des milieux de travail durables et protecteurs.

En cette Journée mondiale, l’OIT appelle chaque acteur – gouvernement, employeur, salarié – à renforcer son engagement pour bâtir une culture universelle de la prévention. Cela signifie garantir des droits, offrir des outils de protection, adapter les réglementations aux nouveaux modèles économiques et technologiques.

Car aucun emploi ne justifie qu’un travailleur mette sa santé en danger. La sécurité et la santé au travail ne sont pas une option : ce sont des conditions non négociables pour un travail digne, éthique et humain.

Mots clés : OIT ; travail ; santé ; sécurité ; salarié ; emploi ; scientifique ;