Dans cet entretien, le Professeur Boublenza Abdelatif, expert en éthique médicale et ancien doyen de la faculté de médecine de Sidi Bel Abbès, partage ses réflexions sur l’état actuel de l’éthique et de la déontologie médicale en Algérie, les enjeux de la profession et ses perspectives d’évolution.
‘’Ma Santé, Ma Vie’’ : Quel constat dressez-vous sur l’état actuel de l’éthique et de la déontologie médicale en Algérie ?
Pr. Boublenza Abdelatif : Il est primordial de distinguer trois concepts clés : l’éthique, la bioéthique et la déontologie, qui sont définis dans la loi sanitaire de 2018. L’éthique se réfère à une morale du comportement médical, la bioéthique concerne les comportements liés à la recherche médicale, et la déontologie traite des devoirs et des obligations des médecins envers leurs patients. Ces trois piliers visent à garantir un accès équitable aux soins et à harmoniser la relation médecin-patient.
Cependant, l’éthique et la bioéthique affrontent de nouveaux défis tels que l’émergence des technologies, le transhumanisme, les nanosciences et les essais thérapeutiques. Le Conseil de déontologie médicale et les comités d’éthique des CHU jouent un rôle essentiel dans la régulation et le respect de ces principes. Toutefois, il est nécessaire de renforcer ces institutions pour répondre aux évolutions scientifiques et sociétales.
Quelles sont vos priorités pour l’actualisation du Code de déontologie médicale ?
Le Code de déontologie médicale doit être enrichi en tenant compte des avancées scientifiques et des nouvelles pratiques, tout en préservant les principes fondamentaux de la profession. Les mentions obsolètes, comme la « médecine foraine », doivent être écartées. Il est également crucial de considérer l’être humain dans son intégralité, en adaptant les spécialités aux besoins des différentes tranches d’âge.
Une méthodologie claire est nécessaire pour tout changement : exposé des motifs, propositions concrètes et évaluation des impacts. Par ailleurs, la coordination entre les ministères de la Santé et de l’Enseignement Supérieur est essentielle pour structurer les nouvelles spécialités et organiser les formations.
La numérisation de la pratique médicale représente-t-elle un atout ou un risque pour l’éthique médicale ?
La numérisation est une avancée majeure qui facilite l’accès aux données médicales, permettant une meilleure planification des soins et de la formation. Toutefois, elle pose des questions cruciales concernant la confidentialité et le secret professionnel. La collaboration avec les informaticiens et les juristes est essentielle pour garantir la sécurité des données et respecter les droits des patients.
Quel rôle devrait jouer l’Ordre des Médecins dans la promotion de l’éthique ?
L’Ordre des Médecins a pour mission principale de veiller au respect du Code de déontologie. Toutefois, il est aussi nécessaire de promouvoir une réflexion sur des enjeux éthiques plus larges, tels que les droits des patients, la recherche scientifique et les expérimentations médicales. Une approche collaborative avec d’autres institutions et une réflexion collective sur ces thèmes permettraient d’enrichir son rôle.
Quelles sont les principales revendications des étudiants en médecine et comment peut-on y répondre efficacement ?
Les revendications des étudiants, telles que l’authentification des diplômes et l’amélioration de la formation, reflètent des attentes légitimes. Pour éviter les tensions, il est essentiel de renforcer le dialogue entre les responsables académiques et les étudiants.
La formation médicale doit être réorientée pour favoriser le développement des compétences plutôt que l’accumulation de savoirs. Il est également crucial de planifier le nombre de médecins en fonction des besoins de la population afin d’éviter à la fois les déserts médicaux et le chômage médical.
Quel message souhaitez-vous transmettre aux étudiants en médecine ?
« Apprendre aujourd’hui pour travailler demain », telle est ma devise. La médecine exige un engagement à vie, avec pour moteurs la noblesse, l’équilibre et l’humanisme. Ne cherchez pas à accumuler des richesses ; l’argent vient comme le veut Dieu. Travaillez avec science et conscience, car la santé humaine est un véritable état de bonheur.
Je souhaite à tous les étudiants une carrière remplie de satisfaction morale et professionnelle, en restant fidèles aux deux piliers fondamentaux de la médecine : la science et la conscience.
Professeur Boublenza Abdellatif : Figure incontournable de la médecine algérienne.
Professeur Boublenza Abdellatif incarne l’excellence académique et l’engagement éthique au service de la médecine en Algérie. Ancien doyen de la Faculté de Médecine de Sidi Bel Abbès et membre actif du Conseil National de Déontologie Médicale, il est reconnu comme une personne ressource dans le domaine de l’éthique et de la bioéthique. À travers son parcours impressionnant et ses contributions remarquables, il continue d’inspirer les générations futures tout en plaidant pour une médecine ancrée dans les valeurs de science, de conscience et d’humanisme.
Un leader visionnaire
Son message fort destiné aux étudiants en médecine reflète sa philosophie : un appel à cultiver l’excellence, le dévouement et l’humanisme dans une profession exigeante, mais profondément noble.
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