Une Bonne Santé pour une Vie Meilleure

Chimiothérapie après 70 ans : une efficacité remise en question chez les patientes âgées

Edité par : Dr Souad BRAHIMI | Docteur en médecine
6 août 2025

La chimiothérapie est depuis des décennies un pilier du traitement du cancer du sein. Mais faut-il continuer à l’administrer systématiquement chez les femmes âgées de plus de 70 ans, en complément de l’hormonothérapie, dans les cas de cancers hormonodépendants ?

Un protocole standard… à nuancer après un certain âge

Une étude française rigoureuse, publiée le 1er août 2025 dans The Lancet, remet en question cette pratique longtemps considérée comme incontournable.

Près de 2000 femmes âgées de 70 ans ou plus atteintes d’un cancer du sein hormonodépendant à un stade précoce ont été suivies. Deux groupes ont été comparés :

  • Le premier recevait une hormonothérapie seule (traitement ciblant les récepteurs hormonaux du cancer).
  • Le second recevait une association d’hormonothérapie et de chimiothérapie adjuvante, comme le prévoit aujourd’hui le protocole standard.

Âge médian des participantes : 75,1 ans.

Les conclusions sont sans appel :

  • Pas d’amélioration significative de la survie globale.
  • Aucune prolongation du délai sans récidive.
  • En revanche, une augmentation nette des effets secondaires (nausées, fatigue extrême, infections, troubles hématologiques…).
  • Une tolérance globalement plus faible chez ces patientes âgées, dont l’organisme réagit différemment aux traitements agressifs.

 « Ce n’est pas parce qu’on ajoute de la chimiothérapie qu’on obtient de meilleurs résultats. Chez les seniors, le bénéfice attendu n’est souvent pas au rendez-vous », explique le Pr Étienne Brain, oncologue à l’Institut Curie et premier auteur de l’étude.

Le vieillissement biologique modifie en profondeur la manière dont le corps réagit aux traitements anticancéreux :

  • La capacité de régénération cellulaire diminue.
  • Le foie et les reins (principaux organes impliqués dans l’élimination des médicaments) fonctionnent souvent moins efficacement.
  • Les réserves physiologiques sont réduites, rendant l’organisme plus vulnérable au stress thérapeutique.
  • Les comorbidités chroniques (diabète, insuffisance cardiaque, hypertension…) sont plus fréquentes, compliquant la prise en charge.

Tout cela altère le métabolisme des chimiothérapies, augmente le risque de complications, et peut même réduire la qualité de vie sans impact positif sur la survie.

Les auteurs de l’étude appellent à une révision des protocoles standards en oncologie, en intégrant pleinement l’âge, l’état fonctionnel et la fragilité du patient dans la décision thérapeutique.

Cela implique :

  • Une évaluation gériatrique préalable avant tout traitement intensif.
  • L’abandon des traitements inutiles chez les patientes dont le bénéfice est incertain.
  • Une approche dite de “désescalade thérapeutique”, où l’objectif est de soigner avec justesse, sans surtraitement.

Il ne s’agit pas de ‘’moins soigner’’, mais de soigner mieux, de façon plus adaptée et plus éthique.

Cette publication marque une étape importante dans l’évolution de la médecine oncologique gériatrique, un domaine encore trop peu exploré dans les essais cliniques.

Aujourd’hui, les personnes âgées représentent plus de 50 % des nouveaux cas de cancer. Pourtant, elles sont souvent sous-représentées dans les essais thérapeutiques, qui se basent majoritairement sur des populations plus jeunes, plus résistantes.

Résultat : des traitements conçus pour des patients jeunes sont appliqués sans distinction à des seniors, au prix d’effets secondaires plus graves, sans gain tangible.

Adapter les traitements, c’est prendre en compte l’espérance de vie réelle, mais aussi le niveau d’autonomie, les priorités du patient, et sa qualité de vie restante.

Ce type d’étude incite à un réexamen éthique et médical de nos pratiques thérapeutiques. Chez les patients âgés, l’objectif devient moins la guérison à tout prix que le maintien de la dignité, de l’autonomie, et du confort de vie.

Mots clés : cancer ; chimiothérapie ; médecine ; thérapie ; âgé ; santé ;

à lire aussi: