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Cancer de l’œil : de nouvelles pistes thérapeutiques redonnent espoir aux patients atteints de mélanome uvéal

Edité par : Dr Imad BOUARISSA | Docteur en médecine
29 octobre 2025

Le mélanome uvéal, forme la plus fréquente de cancer de l’œil chez l’adulte, demeure l’un des défis les plus complexes de l’oncologie moderne. Ce cancer, qui se développe à partir des cellules pigmentées de l’uvée — la membrane intermédiaire de l’œil comprenant l’iris, le corps ciliaire et la choroïde — touche environ 0,6 personne pour 100 000 habitants en France.

S’il est rare, il reste particulièrement agressif : dans près de la moitié des cas, la maladie métastase, le plus souvent au niveau du foie, parfois plusieurs années après le traitement initial.

Un cancer rare et redoutable

Contrairement aux mélanomes cutanés, le mélanome uvéal n’a aucun lien connu avec l’exposition solaire, ni avec des facteurs de risque environnementaux identifiés.

« Dans la grande famille des mélanomes, le mélanome uvéal est un cousin éloigné. Il possède des caractéristiques biologiques très spécifiques, qui le rendent difficile à traiter avec les thérapies classiques », expliquent les oncologues médicaux

Les progrès récents de la biologie moléculaire ont permis de mieux comprendre les mécanismes génétiques qui sous-tendent ce cancer.

Contrairement aux mélanomes de la peau, souvent associés à des mutations de BRAF ou NRAS, les mélanomes uvéaux présentent le plus souvent des altérations sur les gènes GNAQ, GNA11, BAP1 ou SF3B1.

Ces mutations conduisent à une prolifération cellulaire incontrôlée, mais elles ne répondent ni à l’immunothérapie classique, ni aux inhibiteurs ciblant BRAF, qui ont révolutionné la prise en charge des mélanomes cutanés.

C’est une maladie à part entière, avec sa propre biologie, ses propres résistances et donc la nécessité de stratégies thérapeutiques sur mesure.

Lors du dernier congrès de la Société européenne d’oncologie médicale (ESMO), quatre essais cliniques majeurs ont été présentés, ouvrant des perspectives inédites pour les patients.

Parmi eux, l’essai PLUME, coordonné par l’Institut Curie, explore une immunothérapie combinée basée sur des anticorps monoclonaux capables de stimuler le système immunitaire face aux cellules tumorales oculaires.

Les premiers résultats indiquent une stabilisation tumorale significative chez certains patients atteints de formes métastatiques, jusque-là sans option thérapeutique efficace.

D’autres études évaluent l’efficacité de thérapies ciblées dirigées contre les voies de signalisation MEK et PKC, ou encore l’apport de la radiothérapie stéréotaxique de précision, utilisée pour détruire localement les métastases hépatiques sans altérer le reste du foie.

Ces approches combinées ne relèvent plus du simple espoir : elles ouvrent une voie réaliste vers une amélioration du pronostic et de la qualité de vie », estiment lusieurs oncologues.

Les chercheurs misent désormais sur la médecine personnalisée pour mieux adapter les traitements à chaque profil génétique tumoral.

Des outils d’intelligence artificielle et de modélisation biologique sont utilisés pour analyser les données cliniques, génomiques et histopathologiques de chaque patient, permettant de prédire la réponse probable à un traitement.

« Nous ne cherchons plus seulement à détruire la tumeur, mais à comprendre ses mécanismes d’échappement », résument les spécialistes.

Cette approche intégrée, à la frontière entre la recherche fondamentale et la clinique, ouvre la voie à une oncologie oculaire de précision, où chaque décision thérapeutique repose sur des preuves scientifiques individualisées.

Le traitement du mélanome uvéal repose actuellement sur la chirurgie ou la radiothérapie localisée (protonthérapie, curiethérapie), selon la taille et la position de la tumeur.

Cependant, même après une prise en charge précoce, le risque de récidive ou de métastase impose une surveillance à vie.

Des examens réguliers — imagerie hépatique, analyses sanguines et examens ophtalmologiques — sont essentiels pour dépister précocement toute extension de la maladie.

Recommandation médicale : un suivi ophtalmologique annuel est recommandé dès l’âge de 40 ans, surtout chez les personnes aux yeux clairs, à la peau claire, ou ayant des antécédents familiaux de tumeurs oculaires.

Perdre partiellement ou totalement la vision d’un œil, subir une exérèse oculaire ou craindre la récidive sont autant d’épreuves psychologiques profondes.

Les spécialistes insistent sur la nécessité d’un accompagnement psychologique et social structuré, incluant un suivi post-opératoire, des conseils esthétiques et une rééducation visuelle.

 L’annonce d’un cancer de l’œil bouleverse l’identité même du patient. Restaurer la confiance en soi et l’autonomie visuelle est un élément clé du processus de guérison », insistent les psychologues.

Grâce à la recherche translationnelle — ce pont entre le laboratoire et la clinique —, le mélanome uvéal n’est plus une impasse médicale.

Les nouveaux protocoles en cours visent à transformer la maladie chronique en affection maîtrisable, avec des traitements mieux tolérés et davantage personnalisés.

Ces avancées, portées par la coopération internationale entre centres européens, américains et australiens, pourraient bientôt offrir aux patients une espérance de vie prolongée et une meilleure qualité de vie.

Chaque progrès, aussi modeste soit-il, est une victoire pour nos patients. Le but ultime est clair : faire du mélanome uvéal une maladie que l’on peut vivre et non plus craindre.

Bien qu’aucune prévention spécifique ne soit connue, les experts recommandent :

  • Des examens ophtalmologiques réguliers pour détecter toute lésion pigmentée suspecte ;
  • Le port de lunettes de soleil de qualité pour protéger la rétine et l’uvée des rayonnements UV ;
  • Un suivi médical rigoureux chez les patients porteurs de nævus oculaires ;
  • Un mode de vie sain : alimentation équilibrée, activité physique régulière, limitation de l’alcool et du tabac, facteurs de protection globale contre les cancers.

Longtemps négligé en raison de sa rareté, le mélanome uvéal suscite désormais un renouveau d’intérêt scientifique. Grâce à la convergence de la recherche fondamentale, des biotechnologies et de l’intelligence artificielle, les médecins entrevoient enfin la possibilité de changer le destin thérapeutique de ce cancer de l’œil. Un combat discret, mais porteur d’un immense espoir humain.

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