Dans le silence feutré des officines, une menace sanitaire d’une rare gravité circule sous les radars : le SINtROM 4 mg, un anticoagulant critique, fait l’objet d’une alerte de contrefaçon émise par la Direction de la Santé de la wilaya de Tizi Ouzou. La note, datée du 30 juin 2025, a été adressée à toutes les structures sanitaires et pharmacies de la région, révélant la présence avérée d’un lot falsifié sur le marché algérien.
Ce n’est pas une simple erreur de production. Le SINtROM est un médicament à marge thérapeutique étroite : une variation minime de la dose peut provoquer, selon les cas, une hémorragie grave ou une thrombose aiguë. Or, il est prescrit à des profils hautement vulnérables : personnes âgées, diabétiques, patients porteurs de valvules cardiaques, ou encore victimes d’accidents vasculaires.
Dans ce contexte, la falsification d’un tel produit n’est pas une simple fraude économique : c’est une attaque directe contre la santé publique.
Une faille dans la chaîne du médicament
Le marché pharmaceutique algérien est aujourd’hui traversé par des flux parallèles, où les produits falsifiés côtoient les médicaments importés et mal contrôlés. Les faux médicaments, jadis confinés aux contrefaçons de confort (aphrodisiaques, cosmétiques, vitamines), investissent désormais des classes thérapeutiques vitales.
Le SINtROM falsifié est une alerte grave, mais il est loin d’être un cas isolé. Il révèle l’ampleur d’un système fragilisé, où la pharmacovigilance institutionnelle peine à contenir la sophistication croissante des filières de contrefaçon.
Une réponse à la hauteur de l’urgence
Dans sa circulaire, la Direction de la santé ordonne une série de mesures strictes : vérification immédiate de la traçabilité de chaque boîte, retrait sans délai de tout produit suspect, et signalement systématique à la tutelle.
Ces directives sont nécessaires, mais insuffisantes si elles ne s’accompagnent pas d’une mobilisation plus large : celle des pharmaciens d’officine, des distributeurs agréés, des inspecteurs de la santé, mais aussi des syndicats et ordres professionnels. Le SNAPO (Syndicat national des pharmaciens d’officine), tout comme les conseils de l’ordre, ont été saisis de l’affaire, preuve que l’alerte dépasse le simple cadre local.
La vigilance, une arme de santé publique
La lutte contre les médicaments falsifiés passe avant tout par la vigilance. Une vigilance éclairée, systémique, intégrée à chaque étape : de l’importation à la délivrance au comptoir. Elle doit aussi s’appuyer sur l’information et la sensibilisation des patients, qui ont un rôle fondamental à jouer.
Un patient averti saura interroger, comparer, signaler. Un pharmacien formé saura repérer un emballage douteux, un numéro de lot incohérent, un aspect inhabituel. Un médecin engagé saura faire remonter une incohérence clinique liée à un médicament inefficace ou surdosé.
Une culture de l’alerte, pas de la panique
Il est essentiel de ne pas sombrer dans la panique. Cette alerte doit au contraire servir de déclencheur : un appel à renforcer les chaînes de contrôle, à réinvestir les inspections pharmaceutiques, à redonner aux professionnels les moyens de leur mission. Car dans le domaine du médicament, l’approximation tue.
Il faut saluer ici l’acte de transparence des autorités de Tizi Ouzou. Trop souvent, les alertes sanitaires sont étouffées pour éviter la panique ou protéger des intérêts économiques. Mais dans une société en quête de confiance, chaque prise de parole honnête devient un acte de santé publique.
Quelques conseils aux patients sous anticoagulants
- Vérifiez l’authenticité de vos boîtes : emballage, numéro de lot, date de péremption.
- En cas de doute, retournez à la pharmacie et demandez conseil.
- Ne jamais acheter un médicament en dehors du circuit officiel.
- En cas de symptôme inhabituel (saignement, ecchymose, essoufflement), consultez sans délai.
- Signalez toute anomalie au centre de pharmacovigilance le plus proche.
Un enjeu de souveraineté sanitaire
L’affaire du SINtROM falsifié ne concerne pas uniquement une wilaya, ni même une profession. Elle met en lumière la nécessité, pour l’Algérie, de bâtir une véritable souveraineté pharmaceutique. Cela implique :
- un contrôle strict des importations,
- la sécurisation de la chaîne de distribution,
- et le développement d’une industrie locale fiable, auditable, et transparente.
En somme, cette affaire est un test de maturité pour notre système de santé. Un test que nous devons réussir, non par crainte de la sanction, mais par devoir envers les plus vulnérables.
Parce que la santé n’a pas de prix, et qu’un médicament falsifié peut coûter la vie.
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