Un appelle mondial à rompre le cycle de la souffrance, une autre urgence humaine interpelle : celle de la fistule obstétricale. Ce traumatisme invisible mais ravageur demeure l’une des complications les plus graves liées à l’accouchement dans les pays à faible revenu. Cette année, le mot d’ordre est clair : « Rompre le cycle : prévenir la fistule dans le monde ».
Une blessure évitable, aux conséquences dévastatrices
La fistule obstétricale résulte généralement d’un accouchement prolongé ou obstrué, sans intervention médicale adéquate. Elle provoque une perforation entre le vagin et la vessie, parfois entre le vagin et le rectum, entraînant des pertes d’urine ou de matières fécales par voie vaginale. Ce traumatisme laisse les femmes et jeunes filles non seulement avec des séquelles médicales chroniques, mais aussi plongées dans l’isolement social, la dépression, et l’extrême pauvreté.
Dans 90 % des cas, la grossesse se solde par une mortinaissance. Pour chaque décès maternel, 20 à 30 femmes subissent des blessures graves pendant l’accouchement, compromettant à jamais leur bien-être physique et psychologique.
Une maladie dramatique dans les pays pauvres
Aujourd’hui disparue dans les pays industrialisés grâce à un meilleur accès aux soins obstétricaux, la fistule obstétricale reste une réalité dramatique dans les régions les plus pauvres du monde. Elle résulte principalement de l’absence de soins d’urgence pendant l’accouchement. Ce retard de prise en charge peut entraîner non seulement la perte du bébé, mais aussi la mort de la mère. Pour celles qui survivent, les conséquences sociales sont désastreuses : rejet, isolement, pauvreté, et souvent la mendicité comme seule issue. L’odeur persistante d’urine ou d’excréments aggrave leur stigmatisation.
Un défi de santé publique toujours d’actualité
Malgré des avancées majeures en santé maternelle ces dernières décennies, la fistule obstétricale reste une réalité quotidienne pour des milliers de femmes, principalement dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Cette blessure symbolise les inégalités systémiques qui persistent au sein des systèmes de santé et dans l’accès aux soins obstétricaux essentiels.
Prévenir la fistule, un impératif mondial
La lutte contre la fistule passe avant tout par la prévention. Retarder l’âge de la première grossesse, mettre fin aux pratiques traditionnelles néfastes, et garantir un accès rapide à des soins obstétricaux qualifiés sont des leviers essentiels. Les sages-femmes, en première ligne des soins de maternité, jouent un rôle crucial. Pourtant, en 2021, on estimait à 900 000 le déficit mondial de sages-femmes, dont plus de la moitié en Afrique subsaharienne.
Objectif 2030 : éliminer la fistule
En 2003, le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) a lancé une campagne mondiale pour éliminer la fistule. En 2018, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution ambitieuse : éradiquer cette blessure d’ici 2030. Mais pour atteindre cet objectif, il faut un engagement politique fort, un financement accru, et une collaboration étroite entre les gouvernements, les professionnels de santé, les partenaires techniques, les communautés et les survivantes elles-mêmes.
Accompagner les survivantes et briser le silence
Au-delà des traitements chirurgicaux, la réintégration sociale des patientes reste un pilier fondamental. Entre 2018 et 2023, plus de 12 000 femmes et filles ont bénéficié d’un accompagnement à la réinsertion grâce au soutien de l’UNFPA. À ce jour, environ 140 000 opérations de réparation ont été réalisées dans le monde, mais des centaines de milliers de femmes vivent encore dans la honte et l’exclusion.
Un combat exacerbé par les crises mondiales
Les conflits, les catastrophes climatiques, et la pandémie de COVID-19 ont renforcé les vulnérabilités, perturbant les services de santé reproductive et aggravant les facteurs de risque. Ces défis exigent une réponse globale, coordonnée, et centrée sur la dignité des femmes.
Agir maintenant : sensibiliser, prévenir, soigner
Cette journée internationale doit être un moment de mobilisation collective. Il est urgent de sensibiliser, d’investir dans les systèmes de santé, de soutenir les sages-femmes, et d’assurer un suivi postopératoire adapté. Prévenir la fistule, c’est défendre les droits humains fondamentaux, protéger la santé des femmes, et construire un avenir plus équitable.
Fistule : une communication anormale entre deux organes
Le magazine *Ma Santé, Ma Vie* vous éclaire sur ce trouble.
La fistule obstétricale est une lésion grave survenant à la suite d’un accouchement difficile, sans assistance médicale adéquate. Lorsque le travail est prolongé et que la tête de l’enfant reste coincée dans le bassin maternel, la pression exercée provoque une nécrose des tissus entre le vagin et la vessie ou le rectum. Cette destruction tissulaire entraîne une perte involontaire d’urine ou de matières fécales, plongeant la femme dans une détresse physique et psychologique profonde. Isolées, humiliées par l’odeur constante, ces femmes sont souvent rejetées par leur mari et leur communauté, vivant dans la honte et la marginalisation.
Types de fistules obstétricales

- Fistule vésico-vaginale : communication anormale entre la vessie et le vagin, entraînant une perte continue d’urine.
- Fistule recto-vaginale : ouverture entre le rectum et le vagin, causant une fuite incontrôlée de matières fécales.
Les facteurs de vulnérabilité
La fistule touche essentiellement des femmes jeunes et pauvres vivant en zone rurale. Plusieurs facteurs expliquent sa survenue :
- Mariages précoces et grossesses adolescentes, avec un bassin encore immature.
- Travail prolongé (parfois plus de 24 heures), sans intervention médicale.
- Pauvreté, analphabétisme et isolement géographique, empêchant l’accès aux soins.
- Manque d’infrastructures sanitaires, d’informations, et d’accompagnement durant la grossesse.
Des conséquences humaines dévastatrices
La fistule détruit non seulement l’anatomie mais aussi l’identité et la dignité des femmes. Ces patientes se replient sur elles-mêmes, sombrant parfois dans la dépression ou ayant des idées suicidaires. Le taux de mortalité infantile dans ces situations est extrêmement élevé, et la santé mentale des mères est gravement affectée. Cette pathologie, indicateur d’injustice sociale, constitue une urgence de santé publique encore trop peu reconnue.
La fistule obstétricale incarne une double peine : celle d’un échec médical évitable et celle d’un rejet social cruel. Sa prévention repose sur l’accès à des soins obstétricaux de qualité, la lutte contre les mariages précoces, l’éducation des filles, et l’amélioration des infrastructures sanitaires, en particulier dans les zones rurales.
Les différents types de fistules
La fistule correspond à un canal anormal qui relie deux structures du corps ne devant normalement pas communiquer. Elle peut survenir à différents endroits : entre organes internes (comme le rectum et le vagin), entre vaisseaux sanguins (artères et veines), ou entre un organe et la peau. Son origine peut être congénitale, post-traumatique, infectieuse ou chirurgicale.
- Fistule anale : Elle naît d’une infection des glandes anales. Lorsqu’un abcès se forme, il peut percer la peau au lieu de rester confiné, créant ainsi un passage pathologique entre l’intérieur du canal anal et l’extérieur.
- Fistule artério-veineuse : Dans ce cas, le sang contourne le réseau capillaire normal pour passer directement d’une artère à une veine. Cela perturbe la circulation et peut entraîner gonflements, rougeurs et fatigue.
- Fistule recto-vaginale : Elle crée une communication anormale entre le rectum et le vagin, laissant parfois passer des selles ou des gaz dans le canal vaginal. Ce type de fistule peut être lié à un accouchement difficile ou à une maladie inflammatoire de l’intestin.
- Fistule carotide caverneuse :Elle relie les artères carotides aux sinus caverneux, une veine située derrière les yeux. Cette anomalie peut entraîner une rougeur oculaire, des douleurs, et dans les cas graves, une baisse de la vision.
- Fistule dentaire : Conséquence d’une infection bucco-dentaire non soignée, elle provoque un petit canal qui permet à du pus de s’écouler hors de la gencive ou dans la joue.
- Fistule digestive : Elle implique le système digestif (estomac, intestin grêle, pancréas). Un exemple fréquent : la fistule bilio-digestive, où la bile s’écoule vers un organe inapproprié.
- Fistule obstétricale : Elle survient lors d’un accouchement prolongé et difficile. Une pression excessive entre la tête du bébé et le bassin maternel peut provoquer une liaison anormale entre la vessie et le vagin. Cela conduit à des pertes involontaires d’urine ou de selles.
D’autres formes moins fréquentes
Il existe également des fistules rares, comme les fistules oculaires ou celles affectant les voies respiratoires. La diversité des types dépend de la localisation et de la cause sous-jacente.
Les causes principales
Les origines varient selon la localisation :
- Traumatismes : accidents ou accouchements difficiles.
- Infections : abcès, infections dentaires ou coliques.
- Maladies chroniques : Crohn, cancer, ou maladies génétiques comme celle de Rendu-Osler-Weber.
- Chirurgie : certaines opérations peuvent entraîner des complications, comme une fistule broncho-pleurale.
Certaines pratiques, comme les efforts répétés liés à la constipation, peuvent aussi favoriser l’apparition d’une fistule, en particulier au niveau anal. Une alimentation riche en fibres est donc recommandée.
Les symptômes à reconnaître
- Fistule anale : Douleurs, rougeurs, et écoulements au niveau de l’anus.
- Fistule artério-veineuse : Gonflements visibles sur la peau, rougeurs et sensation de fatigue localisée.
- Fistule recto-vaginale : Présence de selles ou de gaz dans le vagin, douleurs, irritations de la vulve, odeurs désagréables.
- Fistule carotide caverneuse : Rougeur de l’œil, œdèmes, douleurs oculaires légères au début, aggravation progressive.
L’importance du diagnostic précoce
Le repérage des fistules repose sur l’examen clinique et des imageries ciblées :
- Radiographies et examens spécifiques selon le type : anuscopie, cystographie, hystérographie, etc.
- Examen gynécologique chez les femmes, notamment après un accouchement.
Chaque type de fistule nécessite une évaluation adaptée pour en déterminer la cause et la gravité.
Quels traitements disponibles ?
La prise en charge varie selon le type de fistule, son origine et son emplacement :
- Antibiotiques : prescrits en cas d’infection (ex. fistule dentaire).
- Traitements médicaux ciblés : comme l’infliximab pour la maladie de Crohn.
- Chirurgie : souvent incontournable, notamment pour les fistules anales, recto-vaginales ou vasculaires. L’objectif est de refermer la voie anormale et de restaurer l’anatomie normale.
Dans tous les cas, un traitement rapide limite les risques de complications.
À retenir
La fistule est un trouble sérieux mais qui peut être traité efficacement. Face à des symptômes inhabituels ou persistants, une consultation médicale s’impose. Ignorée, elle peut se compliquer et altérer considérablement la qualité de vie.
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