À première vue, croquer des glaçons peut sembler inoffensif. Pourtant, cette pratique fait partie des parafonctions orofaciales, au même titre que ronger ses ongles ou se mordre les joues. Ces gestes répétitifs, qui ne répondent à aucun besoin physiologique, peuvent nuire à l’équilibre bucco-dentaire. Pourquoi cette habitude se développe-t-elle ? Quels sont les dangers pour la santé ? Et comment y remédier ?
Des dégâts invisibles mais bien réels sur les dents
Croquer des glaçons expose les dents à des risques mécaniques importants. Leur dureté peut provoquer des fissures de l’émail, voire des fractures dentaires profondes, notamment au niveau des incisives et des canines. Sur le plan esthétique, les dommages peuvent être irréversibles.
Pour les personnes ayant des restaurations dentaires (composites, amalgames, couronnes ou facettes), le risque est encore plus élevé. Selon les dentistes, « ces matériaux peuvent se décoller sous la pression exercée ».
Le froid, un danger pour la pulpe dentaire
Au-delà du choc mécanique, le froid intense des glaçons constitue un stress thermique pour les dents. Appliqué directement, il peut provoquer une hypersensibilité aiguë et altérer la pulpe dentaire, le tissu vivant au cœur de la dent.
Les mouvements répétés de mastication peuvent également solliciter les articulations temporo-mandibulaires (ATM), entraînant douleurs, tensions musculaires et troubles fonctionnels.
Les gencives ne sont pas épargnées : les arêtes coupantes des glaçons peuvent provoquer microlésions, irritations ou rétractions gingivales, exposant les racines dentaires.
Pagophagie : quand manger des glaçons devient compulsif

Le besoin irrépressible de manger des glaçons porte un nom : la pagophagie. Elle s’inscrit dans un trouble alimentaire plus large, le Pica, caractérisé par l’ingestion répétée de substances non nutritives (terre, cailloux, riz cru…).
Souvent négligée, la pagophagie peut pourtant révéler une carence en fer (anémie ferriprive). Une étude menée à La Réunion auprès de 495 adultes recevant une perfusion de fer a montré que 13,7 % souffraient de pagophagie, en majorité des femmes jeunes carencées. Une analyse sanguine peut confirmer le diagnostic. La supplémentation en fer entraîne souvent la disparition rapide du comportement.
Quel lien entre carence martiale et envie de glace ?
Le phénomène pourrait s’expliquer par plusieurs mécanismes :
- Stimulation neurologique : le froid dans la bouche activerait le système nerveux sympathique, augmentant la vigilance chez les personnes carencées, souvent fatiguées.
- Effet sur la dopamine : le fer joue un rôle dans la synthèse de ce neurotransmetteur du plaisir. En cas de carence, le cerveau chercherait des stimulations gratifiantes, comme le froid intense.
- Compensation sensorielle : la pagophagie pourrait refléter une tentative inconsciente de compenser un déséquilibre nutritionnel.
Glaçons et grossesse : une vigilance nécessaire
Les carences en fer sont fréquentes chez la femme enceinte. Lorsqu’une envie soudaine de manger des glaçons survient pendant la grossesse, elle doit alerter. Un bilan sanguin complet (NFS, ferritine, bilan martial) s’impose pour prévenir les risques pour la mère et le fœtus.
Manger des glaçons fait-il maigrir ?
Certains utilisent les glaçons comme coupe-faim. En effet, leur volume et leur fraîcheur procurent une sensation temporaire de satiété. Mais l’effet est de courte durée : dès que l’eau est digérée, la faim revient. De plus, aucune étude ne prouve leur efficacité dans la perte de poids. Il s’agit donc d’un faux bon plan minceur.
Comment arrêter de croquer des glaçons ?

Si la pagophagie est liée à une carence en fer, le traitement de celle-ci suffit généralement à faire disparaître l’habitude en une quinzaine de jours. En revanche, si aucune carence n’est détectée, la compulsion peut être liée à du stress, de l’ennui ou une habitude sensorielle enracinée.
Des solutions existent :
- Remplacer les glaçons par de la glace pilée ou les laisser fondre lentement.
- Opter pour des alternatives douces : feuilles de menthe congelées, pastilles sans sucre.
- Stimuler différemment la bouche : chewing-gum sans sucre, graines de fenouil…
- Gérer les déclencheurs émotionnels : relaxation, respiration, activité de substitution.
Si malgré tout la pagophagie persiste, il est important d’en parler à un professionnel de santé, médecin ou psychologue. Car au-delà du geste, elle peut être le signe d’un déséquilibre plus profond.
Mots clés : parafonction ; orofaciale ; glaçon ; dent ; compulsif ; dentaire ;