Les malades du cancer sont parmi les plus exposés aux dérives thérapeutiques. En quête d’espoir ou de réconfort, ils peuvent être la cible de pratiques dites “alternatives”, souvent présentées comme naturelles ou complémentaires, mais qui s’avèrent, dans bien des cas, inefficaces, coûteuses, voire dangereuses pour la santé. Dr Souad Brahimi, spécialiste en santé publique, alerte sur la banalisation de ces pratiques dans le parcours de soins.
Des pratiques non validées, parfois intégrées aux hôpitaux
Le danger majeur, selon Dr Brahimi, réside dans l’absence de validation scientifique de ces pratiques, qui peuvent donner de faux espoirs aux malades. Bien qu’elles soient parfois proposées comme accompagnement psychologique — par exemple le Reiki dans les services de cancérologie — certains patients finissent par abandonner leurs traitements médicaux conventionnels, au profit de ces méthodes sans efficacité prouvée.
Le problème s’aggrave lorsque des établissements de santé eux-mêmes ouvrent la porte à certaines pratiques bien-être, sans contrôle rigoureux ni encadrement scientifique, ce qui renforce leur crédibilité aux yeux des patients.
Des méthodes sans fondement, promues par des personnes non qualifiées
Nombre de ces pseudo-thérapies sont dispensées par des individus sans diplôme médical reconnu. Parmi les méthodes signalées par Dr BRAHIMI, on retrouve :
- Des régimes extrêmes, souvent sans sucre, sans protéines, ou fondés sur la “détox”, pouvant provoquer de graves carences ;
- Des mélanges d’herbes ou de plusieurs substances dites naturelles…réalisés par des pseudo-guérisseurs ;
- La lithothérapie, ou “soins par les pierres”, qui repose sur des croyances ésotériques sans preuve d’efficacité ;
- Les appareils à résonance magnétique, censés “analyser les tumeurs”, mais dont l’utilisation peut conduire à des diagnostics erronés et dangereux ;
- L’urinothérapie, qui consiste à boire sa propre urine pour se “soigner”, une pratique dénoncée pour ses effets toxiques et les décès qu’elle a pu entraîner ;
- La biophotonique, qui prétend rééquilibrer les cellules par la lumière mais n’est soutenue par aucune base scientifique ;
- Les thérapies quantiques, pseudo-sciences utilisant un vocabulaire scientifique trompeur pour vendre des dispositifs coûteux et inefficaces ;
- Les “nettoyages énergétiques”, censés libérer les blocages à l’origine du cancer, souvent utilisés comme prétexte pour éloigner le patient de son médecin.
- Etc.
Certains régimes peuvent guérir le cancer : c’est faux !
Depuis quelques années, le jeûne et plusieurs régimes restrictifs ont gagné en popularité, notamment à travers les médias, qui en vantent parfois les effets sur la prévention du cancer ou l’amélioration de la tolérance aux traitements. Cet engouement pousse de plus en plus de patients atteints de cancer à adopter, souvent sans encadrement médical, différentes pratiques alimentaires : jeûne complet, restriction calorique ou protéique, ou régime cétogène pauvre en glucides.
Des pratiques motivées par des croyances… mais non prouvées
Les patients adoptent ces régimes avec des objectifs variés :
- Améliorer la tolérance aux traitements, comme la chimiothérapie, via des jeûnes courts.
- Chercher un effet anticancer, avec des jeûnes plus longs (mais risqués).
- Prévenir l’apparition d’un cancer (prévention primaire).
- Éviter une récidive après un premier traitement (prévention secondaire).
Malgré ces intentions, les données scientifiques actuelles ne valident aucun effet curatif ni préventif clair de ces régimes chez l’être humain.
Des preuves scientifiques faibles et incomplètes
Les études menées jusqu’à présent ne permettent pas de conclure à un quelconque effet bénéfique :
- Pas de preuve curative solide : la majorité des recherches sont animales ou issues d’essais cliniques très limités et hétérogènes.
- Régime cétogène : sur sept petites études, trois montrent un effet favorable, quatre un effet délétère — des résultats insuffisants pour conclure.
- Aucun effet prouvé sur la tolérance aux traitements : le jeûne n’a pas démontré d’amélioration significative de la tolérance aux chimiothérapies, sans pour autant constituer un danger avéré à court terme.
Des risques réels pour la santé des patients
Les études cliniques révèlent un danger bien réel : ces régimes peuvent entraîner une perte de poids importante et une fonte musculaire (sarcopénie). Ces deux facteurs aggravent la dénutrition, ce qui représente un risque pronostique majeur en cancérologie : augmentation des infections, baisse des défenses immunitaires et réduction de l’efficacité des traitements.
Une alimentation équilibrée reste essentielle
Même si ces régimes extrêmes ne sont pas recommandés, la nutrition demeure un élément clé dans la lutte contre le cancer. De nombreuses études ont démontré qu’après un cancer (notamment du sein), la prise de poids, l’absence d’activité physique et une alimentation déséquilibrée augmentent le risque de rechute.
Il est donc crucial que les médecins restent à l’écoute des besoins et croyances de leurs patients en matière de nutrition. Un accompagnement personnalisé, fondé sur des preuves scientifiques et un suivi nutritionnel régulier, doit être proposé pour éviter les dérives et soutenir efficacement le parcours de soin.
Des dérives qui menacent la santé mentale et physique
Au-delà de la perte de chance médicale, ces pratiques peuvent isoler les patients de leur entourage et de l’équipe soignante. Certains pseudo-thérapeutes imposent une rupture avec les médecins, ou prétendent que le patient est responsable de sa maladie, générant un sentiment de culpabilité destructeur.
Ils peuvent aussi exiger des sommes importantes en échange de promesses de guérison rapide, ou pratiquer une forme d’emprise psychologique proche des mécanismes sectaires, fragilisant encore davantage les malades.
Comment reconnaître une pratique dangereuse ?
Voici quelques signes d’alerte à ne pas négliger :
- Le thérapeute prétend que la médecine conventionnelle est inutile ou toxique ;
- Il promet une guérison rapide et totale grâce à une méthode miracle ;
- Il réclame des paiements en espèces, élevés, ou non justifiés par des résultats cliniques ;
- Il dénigre la famille ou les médecins et pousse à l’isolement ;
- Il utilise un vocabulaire pseudo-scientifique pour impressionner ou faire croire à une expertise.
Rester vigilant et consulter un professionnel de santé
Dr Brahimi insiste sur l’importance de signaler toute pratique douteuse aux autorités sanitaires. En cas de doute, seul un professionnel de santé est habilité à établir un diagnostic fiable et à proposer un traitement adapté.
Si certaines approches alternatives peuvent apporter un mieux-être complémentaire (gestion du stress, relaxation, méditation), elles ne doivent jamais remplacer un traitement médical validé. La vigilance est de mise, car derrière le masque du “naturel” ou du “holistique” se cachent parfois de véritables mises en danger.
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