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Professeur Idir BITAM : ‘’L’impact des technologies génétiques dans le dépistage et le traitement du cancer en Algérie”

Edité par : Chabane BOUARISSA | Journaliste
15 décembre 2024

Lors de la troisième édition du ‘’Healthcare Expo’’, le Pr. IdirBitam a présenté ses travaux sur les nouvelles technologies en oncologie, notamment la protéomique et la génomique, et leur rôle clé dans le diagnostic, le traitement et le suivi des cancers. Il a souligné l’importance de l’accès aux tests génétiques en Algérie, tout en évoquant les défis liés à leur coût élevé. Le Pr. Bitam a aussi mis en avant l’importance de renforcer la formation en bioinformatique pour améliorer l’interprétation des résultats et optimiser la prise en charge des patients.

Pourriez-vous nous partager votre vision globale de l’oncobiologie, ainsi que son rôle essentiel dans le diagnostic, le traitement et le suivi des patients en cancérologie ?

Je tiens tout d’abord à féliciter et remercier  ‘‘Ma Santé et Ma Vie’’ pour l’organisation de cette session. C’est un honneur d’avoir présenté ma conférence sur les nouvelles technologies, en particulier la protéomique et la génomique en oncologie.

C’est la première fois qu’on intègre la protéomique, non pas seulement pour le diagnostic, mais aussi pour le dépistage des cancers. J’ai présenté une intervention sur la faisabilité de cette approche, en expliquant les étapes nécessaires pour confirmer la présence de marqueurs tumoraux par la protéomique. La génomique, elle, a fait des progrès importants, notamment avec la PCR en temps réel, qui permet un diagnostic plus précis, ainsi que l’utilisation des marqueurs circulants et tissulaires.

Cependant, il reste des interrogations, notamment en ce qui concerne la sensibilité des marqueurs circulants. Il est important de noter qu’on ne peut pas diagnostiquer un cancer uniquement sur cette base ; ces marqueurs doivent être complétés par d’autres technologies. Le diagnostic de référence reste l’histologie, notamment l’immunohistologie, qui permet de visualiser directement les cellules au microscope. C’est un élément clé pour confirmer la présence de cellules cancéreuses.

‘’Les tests génétiques sont déjà disponibles en Algérie, mais leur coût élevé limite leur utilisation. Intégrer ces tests à la sécurité sociale pourrait révolutionner la prise en charge.”

J’ai aussi abordé l’importance des technologies émergentes, telles que le séquençage de nouvelle génération (NGS), et l’utilisation d’outils portables comme le MinION. Ce petit séquenceur, qui peut être utilisé sur le terrain, pourrait révolutionner le dépistage, par exemple du cancer du sein, en permettant de détecter des risques chez les individus avant même l’apparition des symptômes. Cela permettrait un dépistage plus précoce et plus accessible à la population.

La génomique et la protéomique sont des avancées majeures dans le diagnostic et le dépistage des cancers. Cependant, il reste un défi : l’interprétation des résultats.”

Même si nous avons désormais la technologie nécessaire, un problème majeur persiste : l’interprétation des résultats. Les appareils comme Sonorap génèrent des centaines de millions de gènes, mais nous n’avons besoin que de quelques gènes spécifiques pour identifier des pathologies précises.

Il est donc essentiel d’avoir des logiciels spécialisés et des experts qui peuvent filtrer ces données, éliminer les redondances et se concentrer sur les gènes pertinents. C’est là qu’intervient la bioinformatique. Malheureusement, en Algérie, la formation en bioinformatique est insuffisante. La plupart des experts dans ce domaine ont dû se former à l’étranger. Pour aller de l’avant, nous avons besoin de renforcer cette formation et de développer cette expertise à l’échelle nationale.

“La formation en bioinformatique est un point clé pour l’avenir. Sans experts locaux, nous dépendons de formations à l’étranger.”

Professeur, vous avez une vaste expérience concernant l’utilisation des tests génétiques qui se révèlent très efficaces, tant pour le diagnostic, le suivi, dans la détection des métastases. Sont t-ils integré en algérie ?

Les tests génétiques sont déjà disponibles en Algérie, mais malheureusement, leur utilisation reste limitée à une échelle très réduite. Cela est principalement dû à leur coût extrêmement élevé. Toutefois, nous travaillons activement à intégrer ces tests dans le cadre de la sécurité sociale.

Si la sécurité sociale parvient à soutenir cette approche, notamment pour le dépistage, cela pourrait résoudre un important problème financier pour notre pays. En effet, la prise en charge d’un cancer est très coûteuse. Le dépistage précoce permettrait de détecter la maladie avant l’apparition des symptômes, ce qui rendrait le traitement beaucoup moins onéreux et plus efficace. Nous sommes d’ailleurs en train de préparer un dossier dans ce sens pour avancer cette démarche.

“Les technologies émergentes, comme le séquençage portable, offrent une nouvelle opportunité pour un dépistage plus accessible et plus rapide.”

En Guinée, nous souhaitons mettre en place un dépistage précoce accompagné d’un diagnostic rapide, ce qui est crucial. Bien que les chiffres soient faibles – sur 1000 personnes, peut-être seulement 4 ou 5 cas détectés –, cela reste extrêmement important.

Toutefois, le coût de la prise en charge de ces quelques cas est très élevé, souvent trois à quatre fois plus cher que le dépistage de masse. Actuellement, nous nous concentrons sur le dépistage de masse, et il y a une grande avancée dans la manière dont nous abordons la prise en charge.

Le système permet de préparer les oncologues et les spécialistes à l’avance en concertation, afin de connaître le nombre de cas à traiter et éviter les surprises. Cela rend la gestion des patients plus fluide. L’avantage de cette approche précoce est qu’elle nécessite souvent moins d’hospitalisation, car les traitements sont initiés rapidement, ce qui permet de limiter l’évolution de la maladie.

Cela permettra de réduire le coût global de la prise en charge des cancers en Algérie, notamment en ce qui concerne la thérapeutique : chimiothérapie, radiothérapie et les traitements associés.

Merci, Professeur, pour le temps que vous avez consacré à ‘’Ma Santé, Ma Vie’’, ainsi que pour votre contribution à la réussite de la séance sur l’oncogénétique et l’oncobiologie et leur rôle crucial en cancérologie. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Pr IdirBitam, âgé de 51 ans, est un expert reconnu dans le domaine des maladies transmissibles et des pathologies tropicales émergentes. Titulaire d’un doctorat de la Faculté de Médecine d’Aix-Marseille Université, il poursuit sa formation en Médecine internat et en habilitation à diriger des recherches au sein de la même institution.

Professeur des Universités, Pr Bitam occupe plusieurs fonctions de leadership. Il est directeur adjoint du centre de recherche de Djelfa et ancien chef de service à l’Institut Pasteur d’Algérie.

En tant que secrétaire général de l’ESCAR, sous-groupe de l’ESCMID (Société Européenne de Microbiologie et de Maladies Infectieuses), il contribue activement à la promotion de la recherche microbiologique et des infections. Par ailleurs, il est reviewer pour plusieurs revues internationales à comité de lecture et éditeur dans diverses publications scientifiques de l’éditeur MDPI. Il fait également partie du comité scientifique de rédaction du magazine ‘’Ma Santé, Ma Vie’’.

Pr Bitam dirige le programme Parasites et Vecteurs à l’Université des Sciences et de la Technologie Houari Boumediène (USTHB) en Algérie et est chef d’équipe associée au projet VITROME (Vecteurs et Infections Tropicales et Méditerranée) à l’Institut Hospitalo-Universitaire de la Timone à Marseille.

Il a également été expert en Covid-19 auprès du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique. Parallèlement, il préside le Comité National Pédagogique des écoles supérieures en Sciences de la Nature et de la Vie et dirige le Réseau International de Recherche REMEDIER.

En outre, le Pr Bitam agit en tant qu’expert pour la Direction Générale de la Prévention, au Ministère de la Santé, dans le domaine des maladies vectorielles.

Il est l’auteur de plus de 124 publications scientifiques internationales et de deux chapitres de livres sur les maladies transmissibles et vectorielles. Il a supervisé la soutenance de 24 thèses, 8 magisters, ainsi que plus de 35 mémoires de Master, d’Ingénieurs et de DES.

Pr Bitam siège au Conseil National de la Recherche Scientifique et des Technologies, un organe consultatif du Président de la République, et préside le Conseil Scientifique de la Société Algérienne de Recherche Médicale.