Une session placée sous le thème ‘’Les Maladies rares Neuromusculaires, état des lieux en Algérie’’, organisée par les laboratoires Roche, a été animée par le professeur Azeddine Mekki, chef du service de pédiatrie au CHU Nafissa Hamoud (ex Parnet), d’Hussein Dey. Et ce, à l’occasion de la Journée internationale des maladies rares, qui coïncide le 28 février de chaque année.
« Elle vise à faire connaitre aux journalistes les initiatives en cours des autorités de santé en terme de gestion des maladies rares avec une introduction à l’Amyotrophie Spinale (SMA), maladie rare récemment incluse dans la liste établie par le ministère de la santé pour une meilleure gestion de la maladie », rappellent les organisateurs.
Sensibilisation et initiatives en Algérie avec les laboratoires Roche
Compte tenu de la rareté des cas, il est impératif de mettre en place un réseau de partage des connaissances, d’expertise et de recherches pour progresser dans la compréhension et la prise en charge de ces maladies. C’est dans cette optique que ‘’Ma Santé, Ma Vie’’ a saisi cette opportunité pour assister à cette conférence enrichissante de Roche Algérie et vous fournir davantage d’informations sur ces maladies rares.
Pr. Azzedine Mekki: “Plus de 75% des maladies rares sont dues aux mariages consanguins”
Le professeur Azeddine Mekki, a révélé que 75 % des maladies rares sont dues aux mariages consanguins.
S’exprimant lors de cette session media training, initiée par Roche Algérie, le spécialiste a expliqué que ces maladies touchent une personne sur 2000, poursuivant que 95 % de ces maladies sont transmissibles. Et d’ajouter : « Si mère et le père, sont porteurs d’une mutation génétique, leurs enfants, dans 25% des cas, souffrent de ces maladies rares. Elles sont dites orphelines lorsqu’elles ne bénéficient pas de traitement spécifique.
La maladie rare mais réelle. ‘’Cela n’arrive pas qu’aux autres’’
Il est essentiel de prendre conscience du fait que les maladies rares peuvent toucher n’importe quelle famille, à n’importe quel moment.
En effet, le terme de ‘’maladie rare’’ ne fait que mettre en évidence la complexité et l’hétérogénéité d’un ensemble d’environ 7000 maladies potentiellement mortelles et infiniment fragilisantes. Ce terme, qui ne fait que souligner la rareté, instaure immédiatement une distance rassurante entre les ‘’pauvres gens qui vivent une chose si terrible’’ et la grande majorité des personnes qui se sentent protégées par la faible prévalence des maladies rares. Si ces maladies étaient officiellement appelées ‘’maladies terribles qui tuent lentement vos enfants – ou vous-même et vous êtes seul’’, ce qui est plus proche de la vérité, l’existence des quelques 30 millions de personnes directement touchées marquerait plus l’opinion publique.
Qu’est-ce qu’une maladie rare ?
Une maladie est rare lorsqu’elle atteint 1 personne sur 2000 soit en Algérie la population est estimée à plus de 45 millions d’habitants, l’Algérie demeure un pays à fort taux de consanguinité (l’ONS estime à 22,5% en 2017 le taux de consanguinité), ceci qui augmente l’incidence des maladies génétiques et constitue alors un réel enjeu de santé publique.
Le nombre exact des patients concernés par ses maladies est inconnu étant donné l’absence de données épidémiologiques et l’absence d’un registre consacré à ses maladies comme pour le reste des autres maladies.
80% des maladies rares sont d’origine génétique
Près de 7000 à 8000 sont connues et de nouvelles maladies rares sont régulièrement décrites. On considère que 6 à 8% de la population mondiale est concernée par ces 8000 types de maladies. On estime que 80% des maladies rares sont d’origine génétique, elles se transmettent le plus souvent selon un mode autosomique récessif.
« Il s’agit principalement des maladies héréditaires du métabolisme comme les maladies de surcharge lysosomale et les maladies du métabolisme intermédiaire qui affectent le plus souvent plusieurs organes (elles sont dites alors multi systémiques) mais aussi des maladies qui touchent un seul organe comme les maladies neurodégénératives, neuromusculaires, ophtalmologiques, rénales, osseuses et autres. » a expliqué le professeur Mekki.
75% des malades sont des enfants
Les maladies rares sont généralement sévères, chroniques, handicapantes et affectent considérablement la qualité de vie des malades. 75% des malades sont des enfants et les maladies rares seraient responsables de plus de 30% de la mortalité infantile. Environ un quart de ces maladies apparaît après l’âge de 40 ans. 50 % des malades sont sans diagnostic précis. « Les maladies rares sont des maladies le plus souvent pédiatriques, environ 75% d’entre elles surviennent avant l’âge de deux ans et possèdent différentes expressions cliniques », précise l’orateur qui ajoute : « elles sont mortelles avant l’âge d’un an dans un tiers des cas et responsables d’une perte de fonction d’organe, d’un handicap sévère ou d’une perte totale d’autonomie dans 30% des cas.
Vivre avec une maladie rare !
Au-delà de la diversité des maladies, les personnes affectées par des maladies rares et leurs familles sont confrontées à de nombreuses difficultés identiques, découlant directement de la rareté de ces pathologies:
- Accès difficile au bon diagnostic : tout délai prolongé entre l’apparition des premiers symptômes et le diagnostic approprié entraîne des risques inacceptables; il en va de même d’un diagnostic erroné à l’origine des traitements inappropriés : « c’est le parcours du combattant avant le diagnostic », comme l’avait dit un des participants ;
- Manque d’information, tant sur la maladie elle-même que sur les aides possibles, les malades sont rarement renvoyés vers des professionnels qualifiés ;
- Connaissances scientifiques insuffisantes : cela rend difficile le développement d’outils thérapeutiques et la définition de stratégies thérapeutiques, et est à l’origine du manque de médicaments et d’appareils médicaux appropriés ;
- Conséquences sociales. Vivre avec une maladie rare a des implications dans tous les aspects de la vie : l ‘école, le choix d’une carrière professionnelle, les loisirs avec les amis ou la vie affective. Cela peut entraîner la stigmatisation, l’isolement, l’exclusion sociale, la discrimination en termes d’assurance (santé, voyages, crédit immobilier). Cela restreint aussi les opportunités professionnelles (quand elles existent) ;
- Manque de soins de qualité appropriés : différents domaines d’expertise, tels que kinésithérapeutes, nutritionnistes, psychologues, etc., doivent être combinés. Les malades peuvent passer de nombreuses années dans des situations précaires sans soins médicaux adéquats, ni même interventions de rééducation ; ils restent exclus du système de santé, parfois même après le diagnostic ;
- Coût élevé des rares médicaments et soins existants : les frais complémentaires pour faire face à la maladie, en termes d’assistance humaine et technique, combinés aux manque de prestations sociales et de remboursement, entraînent une paupérisation générale de la famille et augmentent de façon importante les inégalités d’accès aux soins ;
- Inégalités d’accès aux traitements et aux soins : l’accès aux traitements innovants est souvent inégal au sein de l’Union Européenne en raison de retards dans la détermination des prix et/ou dans la décision de remboursement, du manque d’expérience des médecins traitants (trop peu de médecins sont impliqués dans les essais cliniques relatifs aux maladies rares) et de l’absence de consensus de traitement.
L’errance diagnostique
Le professeur Mekki a indiqué que « Le nombre exact des patients concernés par ses maladies est inconnu en Algérie étant donné l’absence de données épidémiologiques et l’absence d’un registre consacré à ses maladies comme pour le reste des autres maladies. Ces maladies rares sont le plus souvent méconnues voire ignorées par les médecins d’où le retard et l’errance diagnostique. »
Effectivement, malgré les progrès réels réalisés, l’errance diagnostique, cette période durant laquelle un diagnostic approprié est recherché ou n’est pas encore établi, persiste pendant environ quatre ans pour un quart des personnes atteintes de maladies rares. Cela est d’autant plus marquant alors que près de 3200 gènes impliqués dans ces maladies rares ont été identifiés.
- Obtention d’un diagnostic : étape souvent désespérément difficile
Le principal défi auquel les patients et leurs familles sont confrontés est celui de parvenir à un diagnostic, une étape souvent désespérément difficile. Cette bataille se répète à chaque étape d’une maladie rare évolutive ou dégénérative. Le manque de connaissance de leur pathologie rare expose souvent les patients à des risques vitaux et entraîne des dépenses importantes : retards injustifiés, consultations médicales répétées, et prescriptions de médicaments et de traitements inappropriés, voire dangereux. En raison du caractère limité des connaissances sur la plupart des maladies rares, les diagnostics précis sont souvent retardés, laissant le patient sous traitement – parfois pendant plusieurs mois, voire années – pour une autre maladie plus courante. Il arrive fréquemment que seuls certains des symptômes soient reconnus et traités, laissant le reste de la pathologie sans prise en charge adéquate.
Pourtant, une prise en charge adaptée et une communication auprès des professionnels de santé et du secteur médico-social permet souvent d’améliorer la survie et la qualité de vie des personnes malades et de leur entourage.
Est-ce que ça se soigne ?
Heureusement, et grâce au travail continu des médecins, des spécialistes, des chercheurs, des associations de malades et de familles, les choses changent lentement. Jusqu’à récemment, les autorités de santé et les décideurs ignoraient pour la plupart les maladies rares. Aujourd’hui, et bien que le nombre de maladies rares connues soit encore limité, on constate un réveil de certains pans de l’opinion publique, qui pousse les autorités à agir.
- 5 % des maladies rares ont un traitement
Les maladies rares pour lesquelles un traitement simple et efficace est disponible sont aujourd’hui dépistées dans le cadre des politiques de Santé Publique.
Malgré les progrès considérables en matière de prévention, diagnostic et traitement, seulement 5 % des maladies rares ont un traitement reconnu à ce jour. La plupart des maladies n’ont malheureusement pas de traitement qui permette la guérison.
- Améliorer les qualités de vie
En l’absence de traitement curatif, quand on a identifié une maladie rare, il est généralement possible de donner des recommandations de prise en charge. Le but est d’améliorer la qualité de vie en tenant compte de la maladie et en s’attaquant principalement aux symptômes.
Les recommandations peuvent être axées sur le dépistage de certains symptômes ou d’anomalies à la prise de sang, la nécessité d’un suivi régulier chez un spécialiste de référence, le suivi et l’aide pour la gestion de la douleur, la mise en place d’appareillages orthopédiques, le suivi auditif et visuel préventif, …
Un suivi adapté, réalisé par des experts de la maladie, permet une prise en charge plus précoce des différents signes de la maladie.
Pour le professeur Azzedine Mekki les solutions sont :
- Améliorer le diagnostic clinique de ces maladies par une meilleure formation des médecins (graduation, post graduation et formation médicale continue) ;
- Développer et améliorer le diagnostic biologique, biochimique (dosages d’enzymes et de métabolites), au moins sur le plan régional en assurant une disponibilité régulière et pérenne des réactifs nécessaires et par une meilleure formation du personnel du laboratoire ;
- Motiver, sensibiliser les généticiens pour le diagnostic génétique en leur assurant la disponibilité régulière des réactifs nécessaires, le matériel étant souvent disponible ;
- Accéder facilement aux médicaments spécifiques lorsqu’ils sont indiqués ;
- Créer des centres de référence ou de compétence pour la prise en charge des patients atteints de ce type de maladies (décisions thérapeutiques, protocoles de traitements et suivi) et établir des liens étroits entre ces centres et les hôpitaux de proximité ;
- Créer des réseaux de soins pour une prise en charge pluridisciplinaire ;
- Elaboration des registres nationaux pour chaque maladie en encourageant la recherche clinique (épidémiologie) ;
- Encourager et être les interlocuteurs des malades et leurs parents ;
- Sensibiliser d’avantage les autorités de santé sur politique cohérente dans le domaine des maladies rares ;
- Informer un large public par un programme sanitaire pour réduire le taux des mariages consanguins et sur le risque de maladies génétiques dans les familles consanguines.
Mais cela ne représente qu’une partie de la solution : il est maintenant primordial pour les autorités de considérer les maladies rares comme une priorité de santé publique et de prendre des mesures concrètes pour soutenir la recherche, les professionnels de la santé, ainsi que les patients et leurs familles affectés par ces affections rares.
Le rôle clé des associations de malades
Pour le conférencier, les avancées scientifiques et thérapeutiques suscitent de grands espoirs et ouvrent la voie à des changements radicaux. Cependant, à l’heure actuelle, les programmes de recherche publique sur les maladies rares restent insuffisants. Le développement de médicaments pour traiter un petit nombre de patients reste très limité, et il y a aussi une carence en soins non médicaux appropriés.
En plus de cette pénurie généralisée de traitements et de soins, le vide psychologique est particulièrement douloureux pour les patients et leurs familles. Lorsque vous, votre enfant ou un membre de votre famille est touché par une maladie pour laquelle les connaissances sont limitées, il peut être difficile de trouver quelqu’un qui comprenne réellement les défis que vous devez affronter au quotidien. Le simple fait d’entendre les mots “je comprends” et de partager des expériences et des conseils de vie quotidienne peut être d’une grande aide.
Cependant, cette “soupape de décompression” n’est efficace que si l’on se sent totalement compris, en sécurité et dans un environnement où l’on ne sera pas jugé. C’est pourquoi les patients et leurs familles devraient envisager de créer des “groupes de soutien et d’entraide”. Il serait bénéfique que des associations de patients lancent et encouragent des groupes de soutien et des groupes d’échanges qui facilitent les liens entre patients, familles et professionnels de la santé, afin de surmonter les défis de l’isolement géographique, de l’isolement émotionnel et de la rareté des ressources.
B.C.