L’espérance de vie mondiale progresse, mais une fracture inquiétante s’installe chez les jeunes Nord-Américains qui meurent davantage de causes évitables — suicides, overdoses et maladies liées à l’addiction.
Une planète qui vit plus longtemps… mais pas forcément mieux
Selon les dernières données du Global Burden of Disease (GBD 2023), publiées dans The Lancet, l’humanité vit plus longtemps qu’il y a un demi-siècle.
L’espérance de vie moyenne atteint désormais 76,3 ans pour les femmes et 71,5 ans pour les hommes, soit plus de vingt ans de gagnés depuis 1950.
Mais derrière ce progrès global se cache une fracture sanitaire majeure : alors que la longévité augmente presque partout, les jeunes adultes d’Amérique du Nord meurent davantage qu’avant, souvent pour des raisons sociales et psychologiques plutôt que médicales.
Les “décès du désespoir” : une épidémie silencieuse
Le rapport pointe une tendance préoccupante : la hausse des “deaths of despair” (décès du désespoir), un concept popularisé par les économistes Anne Case et Angus Deaton.
Ces décès regroupent les suicides, les overdoses d’opioïdes et les complications d’alcoolisme, toutes causes liées à une souffrance psychique, au stress socio-économique et à la perte de repères collectifs.
En Amérique du Nord, ces morts prématurées explosent chez les 25-44 ans, une tranche d’âge pourtant considérée comme la plus active et la plus protégée médicalement.
Les overdoses liées au fentanyl et à d’autres opioïdes de synthèse en sont la principale cause, avec un taux de mortalité multiplié par quatre depuis 2010.
« Nous observons un effondrement du bien-être émotionnel des jeunes générations, malgré les progrès médicaux. C’est un paradoxe tragique », souligne le Pr Christopher Murray, directeur de l’IHME (Institute for Health Metrics and Evaluation) de Seattle.
Les maladies non transmissibles : deux tiers des morts dans le monde
En parallèle, le rapport du GBD rappelle que les maladies non transmissibles (MNT) restent les premières causes de décès dans le monde.
Elles représentent près de 67 % des 60 millions de morts annuels :
- Maladies cardiovasculaires,
- Diabète,
- Cancers,
- Maladies respiratoires chroniques.
Cette évolution reflète le vieillissement démographique et les modes de vie modernes : sédentarité, alimentation ultra-transformée, stress chronique et pollution.
Quand la santé mentale devient un indicateur global
La pandémie de Covid-19 a laissé des séquelles invisibles. Les chercheurs notent une hausse durable des troubles anxieux et dépressifs, surtout chez les jeunes adultes.
Ces troubles, souvent non pris en charge, augmentent le risque de dépendance et de suicide. « On ne peut plus séparer la santé mentale de la santé publique », insistent les psychiatres. « Les politiques de prévention doivent intégrer l’équilibre psychique comme une priorité mondiale. »
Des inégalités persistantes
Les écarts d’espérance de vie entre pays riches et pauvres restent vertigineux :
- 83 ans dans les pays à haut revenu ;
- 62 ans seulement en Afrique subsaharienne.
Si la mortalité infantile a chuté de 68 % en Asie de l’Est grâce aux progrès nutritionnels et sanitaires, d’autres régions — notamment le Sahel, le Yémen, Gaza et Haïti — continuent de payer le prix fort de l’instabilité politique et du manque d’accès aux soins.
Recommandations médicales et de santé publique
Les auteurs du rapport et l’OMS convergent sur plusieurs priorités :
1. Renforcer la prévention des addictions (opioïdes, alcool, drogues de synthèse).
2. Investir massivement dans la santé mentale, notamment à l’école et au travail.
3. Réduire les inégalités d’accès aux soins entre territoires et classes sociales.
4. Mieux dépister les maladies chroniques dès la trentaine.
5. Encourager la santé communautaire : réhabiliter le lien social comme facteur de longévité.
“Nous vivons plus vieux, mais pas forcément plus heureux”
Le paradoxe du XXIe siècle est là : les progrès médicaux prolongent la vie, mais la crise du sens, de la solitude et du stress social mine les sociétés industrialisées. L’OMS alerte sur un risque de “fracture générationnelle de la santé mentale”.
« L’espérance de vie biologique progresse, mais l’espérance de vie en bonne santé stagne », conclut le rapport. « C’est désormais la qualité de vie, plus que sa durée, qui doit devenir le nouvel horizon de la santé mondiale. »
Mots clés : suicide ; Amérique du Nord ; soin, physique ; mental ; social ;