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L’anxiété : Un trouble complexe aux racines génétiques et environnementales, selon Dr. Salim BENLEFKI.

Edité par : Chabane BOUARISSA | Journaliste
12 février 2025

Les troubles anxieux affectent une grande partie de la population, en particulier dans les sociétés modernes où le stress est omniprésent. Plus de 20 % des adultes, avec une prédominance féminine, connaîtront un trouble anxieux au cours de leur vie. Dr Salim Benlefki, chercheur en neuroscience, nous éclaire sur cette question complexe : l’anxiété est-elle génétique ?

L’anxiété se définit par un sentiment de nervosité, de peur ou de préoccupation face à une situation perçue comme menaçante. Bien qu’elle soit une réaction naturelle au stress, elle devient problématique lorsqu’elle devient excessive et incontrôlable. Dans ce cas, on parle de trouble anxieux, une condition qui peut nuire à la qualité de vie et au bien-être général. L’anxiété, dans ce contexte, est une sorte d’alarme intérieure mal calibrée, qui perçoit des menaces là où elles n’existent pas, ou amplifie celles qui sont réelles.

Les symptômes des troubles anxieux sont multiples, touchant différents aspects de l’individu :

  • Physiques : Palpitations, oppression thoracique, tensions musculaires, maux de tête, troubles digestifs (nausées, diarrhées).
  • Émotionnels : Inquiétudes permanentes, rumination, manque de confiance en soi, irritabilité.
  • Comportementaux : Comportements d’évitement, compulsions, agitation.
  • Cognitifs : Pensées négatives récurrentes, difficultés de concentration, visions catastrophiques.

L’anxiété présente clairement une composante familiale, les enfants de parents anxieux étant plus susceptibles de développer des troubles similaires, avec un rôle notable de la génétique. Environ 40 % du risque de développer des troubles anxieux est lié à la composante héréditaire, notamment en ce qui concerne la régulation des neurotransmetteurs comme la sérotonine, souvent déficitaire chez les personnes anxieuses.

Une étude de 2022 a également révélé que l’anxiété se transmettrait plus fréquemment du parent au même sexe, une mère anxieuse ayant plus de chances de transmettre ce trouble à sa fille, tandis qu’un père anxieux influencerait davantage son fils.

Bien que des gènes spécifiques, tels que celui du récepteur à la sérotonine (5-HT1A), soient impliqués, aucun gène à lui seul ne détermine l’apparition de troubles anxieux. L’environnement familial joue également un rôle important, car grandir dans un milieu où la peur et l’anxiété sont omniprésentes peut encourager l’apprentissage social de la peur, surtout si les parents limitent les interactions sociales et véhiculent des craintes envers les autres.

Les troubles anxieux peuvent résulter de l’interaction de divers facteurs, chacun pouvant jouer un rôle dans leur développement. Bien que les causes exactes demeurent floues, plusieurs éléments sont souvent impliqués.

Mais la génétique n’est pas la seule responsable. L’environnement familial, l’éducation et la transmission des comportements sont aussi des facteurs déterminants. Un parent anxieux peut créer un environnement émotionnel instable pour son enfant, le rendant plus introverti et vulnérable à l’anxiété. Par exemple, une surprotection peut nuire au développement de l’autonomie et renforcer les peurs de l’enfant. Les enfants de parents anxieux sont souvent exposés à des pensées catastrophiques et à des anticipations de danger, ce qui peut affecter leur estime de soi et leur capacité à gérer les défis.

L’anxiété n’est pas une fatalité, même en cas de prédisposition génétique, car l’interaction entre les gènes et les expériences de vie joue un rôle crucial. Les recherches en épigénétique révèlent que des facteurs externes, tels que l’alimentation, le stress, ou la consommation d’alcool et de drogues, peuvent modifier l’expression des gènes et influencer le développement de l’anxiété. Ce trouble peut être déclenché par des événements stressants, comme une rupture, un traumatisme ou une menace, mais certaines personnes réagissent de manière excessive à des situations de stress, comme parler en public, ce qui provoque des symptômes physiques tels que palpitations, tremblements ou accélération du rythme cardiaque. Parfois, l’anxiété se manifeste sans cause apparente, rendant difficile l’identification d’un déclencheur spécifique.

Bien que l’anxiété ne soit pas déterminée par un seul gène, des recherches ont identifié plusieurs gènes associés au risque de développer des troubles anxieux. Les gènes liés à la voie de la sérotonine, tels que 5-HTT et TPH2, jouent un rôle clé dans le fonctionnement du système sérotoninergique, essentiel à la régulation de l’humeur et des émotions.

Les troubles anxieux peuvent également être liés à des facteurs psychologiques ou développementaux. Parmi ceux-ci figurent des antécédents familiaux d’anxiété, des événements traumatisants vécus durant l’enfance, ou encore la consommation de substances comme l’alcool, les drogues ou certains médicaments. Ces facteurs peuvent accentuer la vulnérabilité à développer un trouble anxieux.

Les progrès dans la compréhension des mécanismes cérébraux ont permis d’identifier plusieurs neurotransmetteurs comme étant impliqués dans l’anxiété. Le GABA, qui est la cible principale des anxiolytiques, et la sérotonine, qui régule l’activité du GABA, jouent un rôle crucial. En effet, les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine se sont révélés efficaces pour traiter l’anxiété. De plus, des études suggèrent que l’augmentation de la production d’endocannabinoïdes par le cerveau, notamment grâce aux acides gras oméga-3, pourrait réduire les symptômes d’anxiété.

Bien que des avancées aient été réalisées dans la compréhension des troubles anxieux, les mécanismes exacts restent partiellement inconnus. Ce qui est certain, c’est que les circuits neuronaux responsables de la réponse au stress deviennent dérégulés, amplifiant la réaction à des stimuli environnementaux. Cela transforme une réponse physiologique normale en un trouble anxieux pathologique, dont les symptômes peuvent interférer avec la vie quotidienne.

Même avec un terrain génétique familial, l’anxiété peut être gérée efficacement. Les approches combinées de relaxation, de changements de mode de vie et, si nécessaire, de psychothérapie, offrent de bons résultats.

  • Prières, méditation et techniques de relaxation : La méditation de pleine conscience et les techniques de respiration, comme la cohérence cardiaque, sont particulièrement efficaces pour apaiser l’esprit et réduire les symptômes d’anxiété.
  • Mode de vie sain : Une alimentation équilibrée, riche en micronutriments essentiels (oméga 3, magnésium, vitamines B et D), et un sommeil de qualité sont cruciaux pour maintenir une bonne santé mentale. L’exercice physique régulier est également essentiel pour le bien-être émotionnel.
  • Thérapies psychologiques : Lorsque l’anxiété devient chronique, une prise en charge psychologique est nécessaire. La thérapie cognitive et comportementale (TCC) aide à modifier les pensées irrationnelles et les comportements problématiques, tandis que la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) favorise l’acceptation des émotions négatives. Enfin, la thérapie d’exposition permet d’habituer progressivement le patient aux situations anxiogènes pour réduire les réactions anxieuses.

L’anxiété est un trouble complexe influencé par des facteurs génétiques, environnementaux et comportementaux. Les avancées récentes en neurosciences et en génétique offrent de nouvelles perspectives pour comprendre et traiter ces troubles, bien qu’il reste encore beaucoup à découvrir sur les mécanismes à l’origine de leur apparition. Bien que certains individus puissent être plus prédisposés en raison de leur héritage génétique, il est possible de gérer et de traiter efficacement l’anxiété par des stratégies thérapeutiques adaptées et un mode de vie équilibré.

Mots clés : anxiété ; hérédité ; gène ; comportement ; génétique ; psychologique ;

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