Le syndrome de l’intestin irritable à diarrhée prédominante (SII-D) et la diarrhée fonctionnelle (DF) sont des troubles fonctionnels intestinaux complexes, appelés aussi « désordres de l’axe cerveau-intestin ». Ces affections, bien que fréquentes, demeurent mal comprises, et leur gestion clinique est encore sujette à des débats.
À la lumière des dernières recommandations issues des sociétés européennes de neuro-gastroentérologie et de gastroentérologie, il devient crucial de revoir les approches diagnostiques et thérapeutiques pour optimiser les soins prodigués aux patients.
Un diagnostic basé sur les symptômes : éviter les explorations excessives
Les experts insistent sur l’importance de poser un diagnostic « positif », c’est-à-dire basé sur les symptômes cliniques, sans recourir à une batterie d’examens d’élimination. Selon les critères de Rome IV, la principale distinction entre le SII-D et la DF réside dans la fréquence et la prédominance de la douleur abdominale.
Le SII-D est caractérisé par une douleur abdominale récurrente (au moins un jour par semaine durant les trois derniers mois), associée à des modifications des selles, tandis que la DF présente des selles molles ou liquides sans douleur prédominante.
Il est impératif de rechercher les signes d’alarme, tels que la perte de poids involontaire, les selles nocturnes ou les rectorragies, qui justifient des explorations morphologiques rapides, notamment par coloscopie.
Une démarche diagnostique rationnelle
En l’absence de signes d’alarme, des examens limités suffisent généralement à exclure des pathologies organiques. Les recommandations incluent une numération formule sanguine (NFS) pour détecter une anémie, la mesure de la protéine C-réactive (CRP), et un test de dépistage de la maladie cœliaque par dosage des anticorps anti-transglutaminase de type IgA. Le dosage de la calprotectine fécale est également conseillé pour écarter une inflammation intestinale.
Toutefois, des études montrent qu’il est important de dépister un syndrome de malabsorption des acides biliaires (environ 30 % des cas de SII-D). En l’absence d’un test spécifique en France, un traitement d’épreuve avec de la colestyramine permet de poser ce diagnostic.
Vers une prise en charge individualisée
Le traitement du SII-D et de la DF reste centré sur le soulagement des symptômes. Les antispasmodiques tels que le pinavérium et le citrate d’alvérine sont utilisés pour diminuer les contractions musculaires et réduire la douleur abdominale dans le SII-D, bien que leur efficacité sur la diarrhée soit limitée. Le lopéramide, bien connu pour ralentir le transit intestinal, est un traitement de choix pour réduire la fréquence des selles dans les deux syndromes, mais il n’agit pas sur la douleur.
L’efficacité des régimes alimentaires adaptés, notamment le régime pauvre en FODMAPs, a été démontrée, notamment dans le traitement du SII-D. Ces sucres fermentescibles, mal absorbés par l’intestin grêle, sont responsables de nombreux symptômes gastro-intestinaux. Toutefois, la gestion à long terme nécessite une réintroduction progressive des aliments, sous la supervision d’une diététicienne.
L’importance des facteurs psychosociaux
Le rôle des facteurs psychosociaux, notamment l’anxiété et la dépression, est essentiel dans la prise en charge des patients atteints de SII-D. Environ un patient sur deux souffrant de SII-D présente une incontinence anale, symptôme souvent sous-déclaré. Les thérapies cognitivo-comportementales et l’hypnose se révèlent particulièrement bénéfiques pour les patients, en complément des traitements médicaux.
Quid des nouvelles approches thérapeutiques ?
Parmi les nouvelles thérapies, la rifaximine, un antibiotique non absorbé, a montré des résultats prometteurs chez les patients atteints de SII-D, bien que ses effets à long terme restent à évaluer. Les probiotiques, en revanche, apportent des résultats mitigés. Certaines études récentes démontrent une amélioration des symptômes avec des souches spécifiques de bactéries, mais l’efficacité varie selon les patients.
Enfin, les traitements plus innovants comme les antagonistes des récepteurs 5-HT3, bien qu’efficaces sur la diarrhée, n’agissent pas sur la douleur abdominale. Le lopéramide reste donc le traitement de référence pour le contrôle des troubles du transit, tandis que l’éluxadoline et les chélateurs des acides biliaires comme la colestyramine peuvent être utilisés en cas de malabsorption.
A retenir
La gestion du SII-D et de la DF nécessite une approche personnalisée et multidisciplinaire, intégrant des traitements médicamenteux, des ajustements alimentaires et des interventions psychosociales.
Bien que des progrès aient été réalisés, les stratégies thérapeutiques doivent encore être affinées pour répondre aux besoins spécifiques de chaque patient, en minimisant les effets indésirables et en améliorant la qualité de vie.
Les liens étroits entre l’axe cerveau-intestin et les troubles psychosomatiques doivent être davantage explorés pour mieux comprendre l’étiologie de ces syndromes et proposer des solutions thérapeutiques globales.
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