Les ‘’poupées reborn’’, aussi appelées ‘’bébés reborn’’, intriguent autant qu’elles fascinent. Ces faux nourrissons, d’un réalisme saisissant, ressemblent parfois à s’y méprendre à de vrais bébés. Longtemps utilisés dans l’industrie du cinéma pour remplacer les nourrissons sur les plateaux de tournage, ils sont désormais accessibles au grand public pour plusieurs milliers, voire millions de dinars.
Un phénomène qui inquiète
Certaines personnes les collectionnent, d’autres vont plus loin : elles les promènent en poussette, les habillent, les changent, et vont jusqu’à leur donner de la véritable nourriture. Pour certaines femmes endeuillées après une fausse couche, la perte d’un bébé ou l’impossibilité de concevoir, ces poupées deviennent un objet transitionnel, presque thérapeutique. Mais où s’arrête le réconfort et où commence le risque d’entrave psychologique ?
Un phénomène entre fascination et controverse
Aux États-Unis, ce phénomène a pris de l’ampleur avant de gagner la France. Sur TikTok, les vidéos d’influenceuses exhibant leurs poupées cumulent des millions de vues.
Mais cette visibilité suscite aussi la polémique : certains internautes dénoncent une dérive sociétale ou trouvent choquant que ces poupées prennent la place de vrais bébés dans des espaces publics, comme les tables à langer.
Pour les uns, il ne s’agit que d’un hobby insolite mais inoffensif, comparable à une collection de figurines ou de timbres. Pour les autres, ces poupées représentent un pansement émotionnel dangereux, risquant de bloquer certaines personnes dans un processus de deuil.
Le regard médical : un outil apaisant mais risqué
Pour éclairer ce débat, la Dre Christine Barois, psychiatre et psychothérapeute à Paris, apporte une analyse nuancée.
Selon elle, utiliser une poupée reborn après un deuil périnatal peut offrir un apaisement temporaire. En berçant ou en câlinant ce poupon plus vrai que nature, la personne matérialise symboliquement l’enfant perdu. Cela peut alléger la douleur.
Mais, prévient-elle, si cette utilisation devient prolongée et qu’aucun accompagnement psychologique n’est proposé, il existe un risque important : « Le danger, c’est d’empêcher la confrontation au réel. La personne peut alors rester figée dans l’illusion, incapable de faire son deuil véritablement. »
Autrement dit, la poupée reborn peut devenir un refuge qui retarde ou empêche la cicatrisation psychique.
Comparaison avec d’autres objets transitionnels

L’attachement à un objet pour combler un vide n’est pas nouveau. En psychologie, on parle d’objet transitionnel.
- Chez l’enfant, il s’agit souvent d’un doudou ou d’une peluche, qui aide à se séparer progressivement des parents en apportant sécurité et réconfort.
- Chez l’adulte, certains objets jouent un rôle similaire : bijoux hérités, photos, peluches gardées à l’âge adulte, ou même des simulateurs de nourrissons utilisés dans les écoles de puériculture pour enseigner les soins aux bébés.
- Les robots de compagnie (comme les chiens robotisés pour les personnes âgées atteintes de démence) ou les poupées thérapeutiques dans certains services gériatriques fonctionnent sur le même principe : réduire l’anxiété, stimuler l’affection et compenser un manque affectif.
La différence avec les bébés reborn réside dans leur réalisme extrême. Contrairement à un simple doudou, ils peuvent entretenir une confusion entre fiction et réalité, surtout en cas de fragilité psychologique.
Quand il s’agit d’un simple loisir
Pour les personnes qui collectionnent ces poupées sans fragilité psychique particulière, le risque est beaucoup plus limité.
« Dans ce cas, on ne parle pas de symbolisation d’une perte réelle. Cela peut être comparable à un objet doudou, une recherche de tendresse, ou l’expression d’un désir d’enfant. Cela reste un hobby », expliquent les spécialistes.
Comme certains s’attachent à des peluches ou des figurines, d’autres choisissent des poupées reborn. La frontière se situe dans l’usage qui en est fait : passion artistique ou substitut d’un manque profond.
Recommandations médicales et psychologiques

- Accepter la réalité : il est crucial de rappeler qu’une poupée reborn n’est pas un vrai bébé. Elle ne doit pas être nourrie, changée, ni confiée à une « nounou ».
- Ne pas remplacer un suivi médical : après un deuil périnatal ou une infertilité, ces poupées ne peuvent en aucun cas se substituer à une prise en charge psychologique spécialisée (psychiatre, psychologue, groupes de parole, associations de soutien).
- Identifier les signaux d’alerte : attachement exclusif à la poupée, isolement social, refus persistant d’accepter la perte. Ces signes doivent alerter l’entourage et inciter à consulter.
- Encourager un usage artistique ou ludique : pour les collectionneurs, ces poupées peuvent être considérées comme des œuvres d’art. Dans ce cadre, elles ne posent pas de problème de santé mentale.
A retenir :
Les bébés reborn se situent à la frontière entre l’art, le loisir et la thérapie. Ils peuvent constituer un réconfort ponctuel en cas de souffrance psychique, mais ne doivent pas devenir un substitut permanent au deuil ou à l’impossibilité de concevoir.
Utilisés avec discernement, ils peuvent rester un hobby inoffensif. Mais utilisés comme refuge unique face à une douleur psychologique, ils peuvent transformer un soulagement temporaire en illusion dangereuse.
La vigilance médicale consiste donc à accompagner les personnes fragilisées, afin que ces poupées ne deviennent pas un piège émotionnel, mais demeurent ce qu’elles devraient être : des objets symboliques, parfois touchants, mais toujours fictifs.
Mots clés : bébés rebon ; santé ; fictif ; objet ; bébé ; poupée ;