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Vivre seul après 65 ans : une solitude pesante mais pas mortelle

Edité par : Dr Salim BENLEFKI | Docteur en neuroscience
26 juin 2025

Contrairement à une idée largement répandue, la solitude des personnes âgées n’entraîne pas systématiquement une espérance de vie plus courte. C’est la conclusion inattendue d’une vaste étude internationale qui invite à repenser notre vision du vieillissement et de l’isolement social.

Des chercheurs de l’Université de Waterloo, au Canada, ont mené une étude d’envergure portant sur plus de 380 000 bénéficiaires de soins à domicile, âgés de 65 ans et plus, dans trois pays aux systèmes de santé comparables : le Canada, la Nouvelle-Zélande et la Finlande.

Ces personnes, souvent perçues comme plus vulnérables en raison de leur isolement, ont été suivies sur la base de multiples critères de santé (pathologies, degré de dépendance, soutien familial, etc.).

Objectif : déterminer si la solitude constitue un facteur de risque de mortalité.

Résultat : aucune preuve claire que la solitude augmente le risque de décès chez ces personnes, une fois les autres facteurs de santé pris en compte.

Même si la solitude ne tue pas directement, elle fragilise profondément la santé mentale. Selon le Dr John Hirdes, coauteur de l’étude, elle agit comme un stresseur chronique pouvant affecter l’humeur, le sommeil, et le comportement social : autant de facteurs qui détériorent la qualité de vie au quotidien.

« La solitude reste un enjeu de santé publique majeur, car elle favorise la dépression, l’anxiété, le repli sur soi, et peut aggraver des maladies chroniques. »

Le paradoxe relevé par les chercheurs est troublant : les personnes âgées les plus autonomes et ayant peu de soutien familial ou social sont celles qui se sentent le plus seules. Elles sont souvent exclues des systèmes de solidarité informelle (famille, voisins), ce qui renforce leur isolement émotionnel.

En Algérie, la solitude structurelle progresse lentement mais sûrement. 1 personne sur 3 est en situation de fragilité relationnelle. Cela signifie qu’elle n’a qu’un seul type de lien social (famille ou amis ou voisins), voire aucun.

Cette solitude touche particulièrement :

  • les personnes âgées,
  • les chômeurs (2 fois plus isolés que les actifs),
  • et les personnes précaires ou mal logées.

Cela peut s’expliquer par la perte progressive des proches, le décès du conjoint, la baisse de mobilité, ou le manque d’infrastructures sociales.

Les chercheurs avancent plusieurs hypothèses :

  • Les personnes en soins à domicile bénéficient d’un encadrement médical régulier, ce qui limite les risques liés à l’abandon ou aux urgences non traitées.
  • Elles sont souvent intégrées à un circuit de soins structuré (visites d’infirmiers, accompagnement à distance, suivi psychologique dans certains cas).
  • Les facteurs biomédicaux (maladies chroniques, mobilité, état cognitif) ont un poids plus déterminant sur la mortalité que la solitude elle-même dans ce contexte spécifique.

Même si la solitude n’augmente pas directement la mortalité, elle réduit fortement la qualité de vie. Elle favorise l’isolement affectif, la perte de repères, et une désocialisation progressive qui peut aggraver des troubles cognitifs ou psychiatriques (troubles de l’humeur, anxiété chronique, déclin cognitif).

Le problème majeur n’est donc pas uniquement combien de temps vivent les personnes âgées seules, mais dans quelles conditions psychologiques et sociales.

Cette étude remet en cause un stéréotype courant : non, vivre seul à un âge avancé ne condamne pas à une mort précoce. Toutefois, elle souligne que la solitude reste un poison lent pour le moral, la dignité et le bien-être global. Une réalité invisible qui mérite une prise en charge sérieuse, en dehors des seuls indicateurs de survie.

Mots clés : âgé ; solitude ; seul ; vivre ; précoce ; moral ; santé ;