Longtemps soupçonné d’être le principal responsable des troubles digestifs du syndrome de l’intestin irritable (SII), le gluten pourrait en réalité n’être qu’un faux coupable dans la majorité des cas. C’est ce que révèle une étude rigoureuse récemment publiée dans The Lancet Gastroenterology & Hepatology, qui bouleverse certaines certitudes répandues parmi les malades comme dans le grand public.
Une étude rigoureuse qui démonte les idées reçues
Dans cette étude en double aveugle menée au Canada, 29 patients atteints de SII, tous convaincus d’être intolérants au gluten, ont participé à une expérience contrôlée. Durant plusieurs jours, ils ont consommé des barres contenant ou non du gluten, sans savoir lesquelles. Les chercheurs eux-mêmes ignoraient qui consommait quoi (procédure dite en double aveugle). Résultat : aucune différence significative dans l’apparition des symptômes digestifs entre les deux groupes.
Mais ce qui intrigue surtout, c’est que plusieurs participants ont refusé de consommer certaines barres par crainte d’effets indésirables… avant même de savoir si elles contenaient du gluten. Un comportement révélateur de l’effet nocebo, ce phénomène psychologique par lequel la simple anticipation d’un effet négatif suffit à déclencher de réels symptômes physiques. En d’autres termes, la peur du gluten provoque parfois plus de troubles que le gluten lui-même.
SII : un trouble complexe aux causes multiples

Le SII touche environ 10 à 15 % de la population mondiale. Il se manifeste par des douleurs abdominales, des ballonnements, des troubles du transit (diarrhée, constipation ou alternance des deux). Contrairement à la maladie cœliaque, qui est une réaction auto-immune grave au gluten, le SII n’entraîne pas de lésions intestinales, et ses causes sont multifactorielles.
Parmi les pistes explorées par les scientifiques figurent :
- Une hypersensibilité viscérale : le côlon réagit de manière exagérée à des stimulations normales.
- Des déséquilibres du microbiote intestinal : certaines bactéries digestives peuvent produire plus de gaz ou d’irritants.
- Des troubles de la communication intestin-cerveau, où l’anxiété, le stress ou des traumatismes passés influencent la perception de la douleur.
- Des aliments fermentescibles comme les FODMAPs (fructose, lactose, polyols…), bien plus fréquemment impliqués que le gluten.
Une fausse intolérance au gluten, un vrai mal-être
La ‘’sensibilité au gluten non cœliaque’’ existe, mais elle reste rare. Pour la majorité des patients, le gluten n’est pas le vrai responsable. L’étude invite donc à la prudence face à l’engouement pour les régimes sans gluten, souvent initiés sans avis médical. Une telle restriction peut entraîner des carences en fibres, en fer ou en vitamines B, et favoriser des troubles du comportement alimentaire, en particulier chez les personnes anxieuses.
Réconcilier science et souffrance
Le Dr Premysl Bercik, gastro-entérologue et co-auteur de l’étude, insiste sur l’importance de ne pas banaliser la souffrance réelle des patients. « Le SII n’est pas dans la tête, mais il implique le cerveau », explique-t-il. Il plaide pour une approche globale, personnalisée, qui associe :
- une alimentation adaptée,
- un accompagnement psychologique si besoin,
- une bonne communication entre patients et soignants.
Le rôle des réseaux sociaux dans la désinformation
L’étude pointe également l’influence des réseaux sociaux dans la propagation d’informations non fondées sur le gluten, renforçant les croyances erronées. Pour les chercheurs, il est urgent de mieux informer les patients, d’autant que le SII est une pathologie multifactorielle, sans cause unique, impliquant souvent des déséquilibres du microbiote, une hypersensibilité viscérale et une composante anxieuse ou dépressive.
En somme, sortir du piège du gluten, ce n’est pas nier la douleur des malades, mais mieux la comprendre pour la traiter sans stigmatiser un aliment devenu, peut-être à tort, l’ennemi public numéro un de nos intestins.
Mots clés : gluten ; malade ; santé ; intestin ; irrité ; microbiote ; cœliaque ;
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