Face à la recrudescence de contenus télévisés faisant la promotion de la sorcellerie, des croyances irrationnelles et de discours pseudo-scientifiques, l’Autorité nationale indépendante de régulation de l’audiovisuel (ANIRA) a publié un communiqué officiel dans lequel elle dénonce une dérive inquiétante de certaines chaînes de télévision privées. Elle fustige des pratiques qu’elle juge contraires à la mission de service public et dangereuses pour la cohésion sociale.
Des programmes qui exploitent la souffrance pour l’audience
Dans son communiqué, l’ANIRA critique sévèrement Ennahar TV, Echorouk News TV et El Hayat TV, accusées d’avoir diffusé récemment des programmes faisant la part belle à des “experts” autoproclamés en sorcellerie, magie ou thérapies ésotériques. Ces émissions sont pointées du doigt pour exploiter sans scrupule la vulnérabilité de certains téléspectateurs, notamment ceux confrontés à des problèmes familiaux, de santé ou de précarité, dans l’unique but d’attirer l’audience.
Loin d’apporter des solutions sérieuses ou un éclairage utile sur les enjeux de société, ces contenus détournent les missions fondamentales des médias, en alimentant des récits irrationnels et parfois menaçants pour la paix sociale. L’autorité de régulation alerte sur la dangerosité de ces pratiques qui peuvent aggraver l’isolement psychologique de certains individus, semer la méfiance au sein des foyers, ou encore favoriser des comportements déviants.
Une violation manifeste de la loi audiovisuelle
L’Autorité rappelle que la loi 23-20 encadrant le secteur audiovisuel en Algérie, notamment son article 32, impose aux chaînes de respecter la déontologie journalistique, la rigueur professionnelle, et interdit formellement l’exploitation du religieux ou de la détresse humaine à des fins commerciales ou médiatiques. La diffusion de contenus relevant de la superstition ou du charlatanisme est ainsi considérée comme une infraction passible de sanctions.
En outre, l’Autorité critique le manque de compétences académiques et journalistiques de certains animateurs de ces émissions, qui abordent des sujets sensibles sans formation ni éthique, et invitent à l’antenne des individus aux titres douteux, présentés comme « maîtres spirituels », « guérisseurs » ou « voyants », sans vérification préalable de leurs qualifications ou de leurs intentions.
Une menace culturelle et éducative
Le communiqué souligne également les conséquences éducatives et culturelles préoccupantes de ces émissions. En valorisant des discours irrationnels, elles affaiblissent l’esprit critique, alimentent les peurs et les préjugés, et exposent les jeunes générations à une vision déformée de la réalité, où la magie et les croyances remplacent la connaissance et la raison.
Selon l’ANIRA, cette banalisation de la superstition dans les médias contribue à déstabiliser la cellule familiale, à saper la confiance sociale, et à freiner les efforts de l’État pour promouvoir une société éclairée, éduquée et ancrée dans les principes du savoir, de la science et de la rationalité.
Mise en garde et sanctions à venir
L’Autorité avertit qu’en cas de non-respect des cahiers des charges généraux et spécifiques, les chaînes concernées s’exposent à des sanctions administratives sévères, qui peuvent aller de l’avertissement formel à la suspension temporaire, voire au retrait de l’agrément en cas de récidive.
Elle appelle l’ensemble des chaînes audiovisuelles à faire preuve de responsabilité, à respecter les standards de qualité et de véracité dans leurs programmes, et à contribuer à élever le niveau du débat public en s’appuyant sur des experts qualifiés, des sources vérifiables et un contenu respectueux des valeurs sociales et culturelles.
Une ligne rouge claire
Enfin, l’Autorité affirme son engagement à protéger le public contre les dérives médiatiques, et à maintenir une vigilance constante face à toute tentative de manipulation de l’opinion, de détournement du discours religieux ou de normalisation de pratiques contraires à l’intérêt général. Elle réitère sa détermination à défendre une information responsable, critique et respectueuse de la dignité humaine.