En ce dimanche 9 juin 2024, l’hôpital Bouhara Abderrazzak a été le théâtre d’une rencontre médico-judiciaire inédite, dédiée à l’épineux sujet de ‘’la faute médicale et de la responsabilité des praticiens’’.
Une rencontre pionnière
Organisé sous l’égide du directeur de la santé de la Wilaya de Skikda, cet événement a réuni un aréopage d’experts, de praticiens et de juristes, parmi lesquels le procureur de la République du tribunal de Azzaba, M. Elwafi Bachir, et l’inspecteur de la justice, M. Bouaricha. Un public attentif, composé de médecins, de paramédicaux et de gestionnaires, a assisté à cette rencontre inaugurée par le directeur général de l’hôpital Bouhara.
Des interventions riches et variées
La journée a été marquée par des interventions aussi riches que diversifiées. Le Dr Boukhalout Lamia, praticienne spécialiste en anesthésie réanimation de l’EH Bouhara, a ouvert les débats avec une présentation poignante sur les accidents médicamenteux. Elle a mis en lumière l’importance cruciale de la formation continue et de la mise en place de systèmes d’alerte sophistiqués pour prévenir les erreurs médicamenteuses, souvent tragiques.
Le Dr Keghida Mehdi, spécialiste en chirurgie cardio-vasculaire, a ensuite captivé l’audience avec son intervention sur la gestion des polytraumatisés aux urgences. Il a insisté sur la nécessité d’une prise de décision rapide et informée, soulignant que chaque minute compte dans des situations critiques.
Quant au Dr Daas Amiour Houcine, chirurgien, il a abordé la délicate question des césariennes et des responsabilités des chirurgiens, particulièrement en l’absence de gynéco-obstétricien. Son analyse a suscité de vifs échanges, révélant la complexité des décisions médicales dans des contextes de ressources limitées.
Responsabilités médico-légales pour les polytraumatisés
La prise en charge des polytraumatisés aux urgences soulève des questions complexes de responsabilités médico-légales. Les professionnels de santé ont l’obligation de mettre en œuvre tous les moyens possibles pour sauver le patient, tout en appliquant rigoureusement les protocoles de soins en vigueur. Une documentation minutieuse de chaque intervention, décision et traitement est cruciale pour se prémunir contre d’éventuelles poursuites.
Le consentement éclairé du patient, lorsque cela est possible, est un impératif. En cas d’urgence extrême, le principe de nécessité médicale peut justifier une intervention sans consentement préalable. La responsabilité des professionnels de santé est engagée en cas de faute médicale, de négligence ou de manquement aux protocoles établis.
Plaidoyer pour la dépénalisation des fautes médicales
L’un des moments forts de la journée a été le plaidoyer passionné du représentant de l’ordre des médecins de la région de Annaba en faveur de la dépénalisation des fautes médicales. Insistant sur la nécessité de distinguer les erreurs humaines inévitables des cas de négligence professionnelle, il a appelé à une réforme du cadre légal pour mieux protéger les praticiens honnêtes tout en assurant la sécurité des patients.
M. Elwafi Bachir, procureur de la République, a, quant à lui, mis en avant l’importance d’un partenariat solide entre les professionnels de la santé et la justice. Soulignant la complexité des enjeux, il a encouragé un débat constructif pour élaborer des solutions équitables et efficaces dans la gestion des fautes médicales.
Recommandations pour prévenir les accidents médicamenteux
Afin de prévenir les accidents médicamenteux, plusieurs recommandations essentielles ont été formulées.
- La formation continue des professionnels de santé est impérative. Les participants ont insisté sur la nécessité de sessions de formation régulières portant sur les nouveaux médicaments, les interactions possibles et les protocoles de sécurité à respecter.
- L’amélioration des systèmes d’information constitue également un axe crucial. L’utilisation de logiciels de prescription électronique peut significativement réduire les erreurs de dosage et de prescription. La mise en place de systèmes d’alerte pour détecter les interactions médicamenteuses dangereuses a également été recommandée.
- Renforcer la communication entre les professionnels de santé est un autre point clé. L’organisation de réunions régulières pour discuter des traitements et des plans de soins des patients permet de garantir une prise en charge cohérente et sécurisée. L’adoption de protocoles de communication standardisés, tels que le SBAR (Situation, Background, Assessment, Recommendation), peut considérablement améliorer la qualité des échanges.
- L’implication des patients dans leur propre traitement est aussi essentielle. Les informer sur les médicaments prescrits, les doses et les effets secondaires possibles, et les encourager à poser des questions et à signaler toute anomalie ou effet indésirable, peut prévenir de nombreux accidents.
- Enfin, promouvoir une culture de la sécurité au sein des équipes médicales est crucial. Chaque membre doit être encouragé à signaler les incidents sans crainte de répercussions. L’analyse systématique des erreurs permet d’identifier les causes profondes et de mettre en place des mesures correctives efficaces.
Conclusion de la Journée
La journée s’est conclue par un débat ouvert, au cours duquel de nombreuses questions ont été posées sur la responsabilité médicale, la formation continue, les protocoles de traitement et l’importance de la communication. M. Zerrouki Mohamed Laarbi, directeur de la santé de la Wilaya, a clôturé la rencontre en remerciant tous les participants et en soulignant la nécessité de telles initiatives pour améliorer la qualité des soins et la sécurité des patients.
La rencontre a également abouti à la recommandation d’organiser ce genre d’événement dans un espace plus inclusif pour tous les praticiens et professionnels de la Wilaya de Skikda, permettant ainsi une participation plus large et une diffusion plus efficace des bonnes pratiques et des connaissances en matière de responsabilité médicale.
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