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Oran : des étudiants en médecine formés au langage des signes pour mieux soigner

Edité par : Chabane BOUARISSA | Journaliste
27 septembre 2025

Depuis quatre ans, le club scientifique universitaire ‘’Light’’, rattaché à la Faculté de Médecine d’Oran, propose une formation en langage des signes destinée aux étudiants en médecine et en chirurgie dentaire. Objectif : permettre aux futurs praticiens de communiquer efficacement avec les patients sourds ou malentendants, une population encore trop souvent marginalisée dans le parcours de soins.

« C’est une démarche humanitaire et inclusive qui vise à briser les barrières de communication entre soignants et patients, et à garantir un accès équitable aux soins », explique Aaroune Fatima Zohra, membre du club, lors du 2ᵉ Salon dentaire MDEX.

La surdité ne se résume pas à une perte auditive. C’est un handicap invisible qui engendre isolement social, difficultés d’accès à l’éducation et à l’emploi, mais aussi une exclusion médicale silencieuse.

Dans un cabinet médical, un patient sourd se heurte souvent à un double obstacle :

  • la barrière linguistique, qui complique l’expression de symptômes parfois subtils ;
  • la dépendance à un tiers, souvent un proche, qui compromet la confidentialité médicale et la précision des informations échangées.

Conséquence : des retards de diagnostic, des traitements inadaptés, et un stress chronique qui pèse lourdement sur la santé mentale et physique.

La relation médecin-patient ne repose pas uniquement sur l’examen clinique ou les prescriptions. Elle est avant tout une interaction humaine où la communication joue un rôle central.

Or, des études en neuropsychologie montrent que la compréhension mutuelle réduit l’anxiété, améliore l’adhésion au traitement et active des circuits neuronaux liés à la confiance et au soulagement.

Le langage des signes, en mobilisant fortement la communication visuelle et gestuelle, stimule ces processus. Il permet de maintenir un contact direct et empathique, favorisant une meilleure alliance thérapeutique.

Concrètement, le programme du club Light dure trois mois et débouche sur un diplôme reconnu par l’État. Chaque session accueille 30 à 40 étudiants, soit déjà quatre promotions formées depuis le lancement.

Au-delà du simple apprentissage linguistique, la formation inclut :

  • es bases culturelles sur la communauté sourde, afin de comprendre ses codes sociaux spécifiques ;
  • des techniques de communication non-verbale, essentielles pour instaurer un climat de confiance ;
  • une sensibilisation à la dimension psychologique du handicap auditif.

« Beaucoup de médecins se sentent démunis face à un patient sourd. Nous voulons leur donner des outils concrets pour instaurer une relation respectueuse et humaine », précise Aaroune Fatima Zohra.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que plus de 430 millions de personnes dans le monde souffrent d’une perte auditive invalidante. En Algérie, les associations locales évaluent à plusieurs centaines de milliers le nombre de personnes concernées.

Former les soignants à la langue des signes n’est donc pas une simple option : c’est une nécessité de santé publique. Cela permet de réduire les inégalités d’accès aux soins et de prévenir les complications médicales liées au manque de communication.

Les recherches récentes en psychologie de la santé montrent que l’exclusion médicale des patients sourds entraîne un risque accru de dépression, anxiété et troubles du sommeil. À l’inverse, lorsqu’un soignant communique directement en langue des signes, on observe :

  • une diminution du stress physiologique (rythme cardiaque, tension artérielle) ;
  • une meilleure mémorisation des consignes médicales grâce à la communication visuelle ;
  • une stimulation cognitive favorisée par l’interaction non-verbale, qui engage à la fois les zones cérébrales du langage, de la mémoire et de la reconnaissance faciale.

En intégrant la langue des signes dans la formation médicale, l’Algérie rejoint les recommandations internationales en matière de santé inclusive. L’expérience d’Oran pourrait devenir un modèle à généraliser dans toutes les facultés de médecine du pays.

Car au-delà de la technique, cette démarche porte un message fort : un système de santé ne peut être universel que s’il prend en compte la diversité de ses patients.

Le succès de cette initiative montre qu’il est possible de bâtir une médecine plus humaine, plus inclusive et plus efficace. Mais pour qu’elle ait un impact réel à l’échelle nationale, il reste une étape décisive : institutionnaliser la formation au langage des signes dans tous les cursus de santé.

Faire du langage des signes une compétence obligatoire pour les médecins, dentistes, infirmiers et pharmaciens, ce serait garantir à des milliers de patients un accès équitable aux soins, sans barrière, sans exclusion.

À Oran, les étudiants ont ouvert la voie. Il appartient désormais aux autorités de transformer cette initiative locale en politique nationale de santé inclusive.

Mots clés : signe ; médecins ; patient ; santé ; contact ; dentiste ; exclusion ;