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 La polymédication, une problématique universelle

Edité par : Dr Mohamed Tahar Aissani | Docteur en médecine
3 avril 2025

Dans un monde où l’espérance de vie augmente, la coexistence de maladies chroniques, ou multimorbidités, représente un défi majeur pour la médecine moderne. Chez les patients de plus de 75 ans, les prescriptions peuvent dépasser dix lignes par ordonnance, entraînant des interactions médicamenteuses et des effets indésirables. Cela souligne la nécessité d’une gestion rationnelle des prescriptions, incluant la déprescription, définie comme l’arrêt volontaire et justifié d’un traitement. En Algérie, où la gériatrie est encore embryonnaire, cette approche est d’autant plus essentielle.

À la différence des pays développés, où la gériatrie est bien établie, l’Algérie accuse un retard significatif dans la prise en charge des personnes âgées. Cette lacune se manifeste par des pratiques médicales où la prescription excessive est courante, en raison du manque de formation spécifique des praticiens. L’absence de programmes structurés pour enseigner la gestion des multimorbidités et la prise en charge holistique des seniors fragilise encore davantage ce groupe vulnérable.

Les patients âgés, souvent touchés par des polypathologies, sont les premières victimes de ce système. En l’absence d’une révision régulière des traitements, le risque d’effets indésirables graves augmente considérablement. De surcroît, la tendance à considérer le médicament comme une réponse universelle exacerbe les problèmes liés à la polymédication.

La déprescription repose sur deux principes fondamentaux : évaluer en continu le rapport bénéfice/risque de chaque traitement et hiérarchiser les médicaments selon leur nécessité. Cette approche est particulièrement pertinente pour les personnes âgées, dont l’état de santé évolue, rendant certains traitements initialement utiles inappropriés.

Pour rendre cette démarche possible en Algérie, plusieurs étapes sont essentielles :

1. Sensibilisation des médecins généralistes : En tant que première ligne de soins, ils doivent être formés à identifier les médicaments inutiles ou potentiellement dangereux.
2. Collaboration interdisciplinaire : Dans un système où les spécialistes travaillent souvent isolément, une coordination entre les prescripteurs est cruciale pour éviter des traitements redondants ou contradictoires.
3. Adaptation des pratiques aux réalités locales : La déprescription doit tenir compte du contexte socio-économique, où l’accès des patients aux consultations régulières est souvent limité.

En Algérie, plusieurs facteurs compliquent la mise en œuvre de la déprescription :

– Manque de données exhaustives : Les médecins n’ont souvent pas une vue d’ensemble des médicaments consommés, y compris l’automédication fréquente.

-Absence de gériatres : Contrairement aux pays développés qui forment des spécialistes, l’Algérie ne dispose pas encore d’un réseau structuré en gériatrie.  
-Pratiques culturelles : Certains patients considèrent la prise de nombreux médicaments comme un signe de bonne prise en charge, ce qui complique la réduction des traitements.  
-Système de santé saturé : Les longues files d’attente et la surcharge des médecins limitent le temps consacré à la réévaluation des ordonnances.  


Il est urgent de repenser le système de santé algérien pour intégrer la gériatrie dans les programmes de formation médicale et sensibiliser les praticiens à l’importance de la déprescription. Les autorités sanitaires devraient également lancer des campagnes d’information sur les risques de la polymédication et promouvoir une approche de soins axée sur la qualité de vie.