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Interview du Professeur Erdal KARAÖZ : “Les cellules souches, un espoir pour beaucoup de malades”

Edité par : La rédaction |
7 février 2024

Qu’elles apparaissent comme une solution au problème du vieillissement ou bien comme une alternative thérapeutique à plusieurs maladies, depuis quelques années, les cellules souches font parler d’elles et monopolisent l’attention des chercheurs en biologie autant qu’elles donnent prise aux rêves du public. 

Certaines d’entre elles présentent en effet deux propriétés qui les rendent particulièrement intéressantes pour la recherche : leur capacité à s’auto-renouveler et à être différenciées en n’importe quelle autre cellule de l’organisme. 

Quels sont exactement les progrès que les cellules souches permettent d’engendrer dans la médecine et quelles en sont les limites ?

Pour répondre à ces questions et bien d’autres, le magazine ‘’Ma Santé, Ma Vie’’ a eu le privilège de s’entretenir avec l’un des éminents chercheurs mondiaux dans de domaine des cellules souche  le Professeur Erdal KARAÖZ.

Il est Professeur de la Faculté de Médecine de l’Université de Süleyman Demirel, département d’histologie-embryologie, et chercheur et fondateur centre de recherche et d’Application sur les cellules souches et les thérapies géniques de l’université de Kocaeli.

Il est aussi chercheur et fondateur aussi du département des cellules souches de l’Institut des sciences de la santé de l’université de Kocaeli etdiplômé au Harvard Medical School, Joslin DiabetesCenter à Boston/ABD. 

Le professeur a occupé plusieurs rôles académiques au sein de différents instituts et facultés et associations scientifiques, ainsi que membre du conseil scientifique d’édition et de publication de revues scientifiques nationales et internationales indexées. Il est auteur de plusieurs publications scientifiques, d’ouvrages et livres scientifiques. 

Erdal KARAÖZ : Je suis extrêmement heureux d’être ici en Algérie. C’est un plaisir et un honneur de partager ces moments avec vous. Mon parcours dans le domaine de la médecine régénérative s’étend sur 24 ans. Au cours de la dernière décennie, j’ai fondé la première clinique de médecine régénérative et le premier établissement GMP en Turquie, à l’hôpital Liv.

L’importance des cellules souches réside dans le traitement de maladies pour lesquelles les méthodes médicales traditionnelles sont insuffisantes. De nos jours, certaines affections, telles que les maladies neurodégénératives, les maladies auto-immunes et les défaillances d’organes, ne peuvent pas être traitées efficacement par des méthodes conventionnelles. Les cellules souches offrent une solution prometteuse pour réparer les organes endommagés tels que le cerveau, le pancréas, le foie et le cœur.

Nous utilisons des protocoles de traitement par cellules souches en isolant ces cellules à partir du placenta du nouveau-né ou du tissu du cordon ombilical. La mise en place d’une installation GMP est cruciale pour garantir la sécurité des patients.Car, toute contamination bactérienne peut présenter des risques. 

Les cellules sont ensuite cultivées dans des conditions BPF, et un processus rigoureux de contrôle qualité, comprenant des tests stéréotyques, une analyse microbiologique, une cytométrie en flux, est effectué avant d’utiliser ces cellules pour le traitement des patients.

Merci beaucoup pour cette excellente question. Le choix de donneurs appropriés est crucial dans notre approche. Nous limitons notre utilisation aux cordons ombilicaux ou au tissu placentaire de nouveau-nés. 

Avant de prélever ce matériel biologique, des examens approfondis sont effectués sur les mères pour garantir la qualité et la sécurité du don.

Une fois le matériel biologique collecté, nous procédons à l’isolement du SAS dans des conditions GMP, suivi d’une culture. À la fin de ce processus, une série rigoureuse de tests de contrôle qualité est entreprise, comprenant des examens approfondis. Sur la base de ces résultats, nous décidons si le SAS répond aux normes nécessaires pour être utilisé dans le traitement de nos patients.

Merci pour votre question. Actuellement, nous concentrons nos efforts sur un large éventail de troubles. Au cours des 10 dernières années, nous avons traité avec succès plus de 10 000 patients, principalement axés sur les maladies neurodégénératives. Les troubles tels que la paralysie cérébrale sont mieux traités chez les patients âgés de zéro à cinq ans. Pour les troubles du spectre autistique, notre protocole a montré des résultats prometteurs chez les enfants de deux à quatre ans.

Nous sommes également impliqués dans le traitement des lésions de la moelle épinière, en sélectionnant des cas incomplets après examen de l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Les injections de cellules souches sont administrées selon un protocole spécifique, utilisant différentes voies d’administration. Une fois le traitement terminé, les patients suivent une physiothérapie et d’autres thérapies complémentaires.

En ce qui concerne les maladies auto-immunes telles que la sclérose en plaques, la sclérose systémique et le lupus érythémateux, nos cellules souches ont montré la capacité de prévenir ou de ralentir leur progression, améliorant ainsi la qualité de vie des patients. Cependant, il est essentiel de souligner que les résultats peuvent varier d’un patient à l’autre.

Il existe de nombreux problèmes d’origine génétique, tels que les myopathies, la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD), la dystrophie de Becker, la myopathie congénitale non progressive, etc. 

Tous ces troubles sont liés à la génétique, et actuellement, la thérapie génique est l’option envisagée pour les traiter. Cependant, les méthodes actuelles de thérapie génique, comme la technologie CRISPR-Cas9, sont encore en cours de développement et coûtent cher. Bien que des essais soient en cours pour des maladies telles que la dystrophie musculaire spinale de type 1, ces traitements restent onéreux.

Pour pallier cela, nous utilisons actuellement les cellules souches comme alternative. Notre objectif principal est de réduire la progression des troubles génétiques, tels que l’insuffisance musculaire, les troubles du stockage lysosomal, et d’autres problèmes génétiques. Nous avons constaté des résultats positifs avec l’utilisation de cellules souches, offrant aux patients une vie plus confortable et contribuant à réduire les effets de ces problèmes. 

Bien que dans le futur, l’utilisation combinée de cellules souches et de thérapie génique soit envisagée, cela reste une perspective à explorer.

Le diabète se différencie en deux types dont le plus répondu est le diabète type 2, et le diabète de type 1, également connu sous le nom de diabète juvénile. Ce type de diabète est lié à un problème auto-immun où les cellules immunitaires attaquent les cellules productrices d’insuline dans le pancréas du patient. Actuellement, l’injection d’insuline est la seule option pour les enfants atteints de ce trouble. 

Pour les autres types de diabète, comme le diabète de type 2 et le diabète type MODDY, qui n’est pas lié à des attaques auto-immunes, les cellules souches peuvent être utilisées pour prévenir les complications liées aux niveaux élevés de sucre. 

Dans le cas du diabète de type 1, la transplantation de cellules souches peut aider à réduire ou arrêter les attaques des cellules immunitaires, offrant ainsi plus de temps à ces patients avant la nécessité de l’injection d’insuline. 

Pour le diabète de type 2, les cellules souches sont principalement utilisées pour éviter les complications résultant des niveaux élevés de sucre, bien qu’il n’y ait pas de relation directe avec des attaques auto-immunes. 

L’avenir pourrait également apporter des avancées, telles que la vaccination à l’ARN ou d’autres formes d’immunothérapie cellulaire.

De nos jours, malheureusement, beaucoup de gens doutent de l’efficacité des cellules souches. Cependant, il est important de souligner que la validité de leur utilisation est étayée par la science, comme le démontrent de nombreux manuscrits disponibles dans des publications scientifiques telles que PubMed. L’application clinique de ces connaissances peut être complexe, mais il est essentiel d’être honnête à ce sujet.

Dans certains pays, dont l’Allemagne, l’Italie, la Corée du Sud, l’Inde, le Panama, le Chili, l’Argentine, ainsi que certaines cliniques aux États-Unis, notamment en Californie, des protocoles utilisant les cellules souches sont mis en œuvre. 

Toutefois, il est crucial d’adopter une approche éthique et honnête lors de l’utilisation de ces protocoles pour les patients. Les promesses exagérées et les affirmations selon lesquelles les cellules souches résoudront tous les problèmes sont fallacieuses. Il est impératif d’informer correctement les patients sur les avantages réels et les limites de ces traitements, car la science des cellules souches repose sur des bases solides. 

Fort de mes 24 années d’expérience dans ce domaine, je crois en ces cellules, mais il est crucial de faire des choix judicieux pour chaque patient, en considérant des facteurs tels que la quantité de cellules, la fréquence des traitements, et le moment approprié.

J’ai créé le premier doctorat et master sur les cellules souches en Turquie dans cette université. En 2015, je suis arrivé à Istanbul, où j’ai dirigé le secteur médical de l’hôpital Liv en tant que directeur du département de cellules souches et de médecine régénérative. Durant cette période, j’ai acquis des connaissances en suivant des ateliers à l’Université Harvard et en établissant un centre de recherche ainsi que des cliniques.

Au cours des 10 dernières années, j’ai développé un savoir-faire significatif dans le domaine des cellules souches. Cependant, je reste conscient que nous avons encore beaucoup à apprendre à l’avenir. 

La médecine moderne évoluera vers l’intégration de diverses technologies telles que l’ingénierie tissulaire, les thérapies géniques, l’impression 3D, les systèmes de fabrication de tissus, les organoïdes, etc. Je suis convaincu que ces avancées joueront un rôle crucial dans la médecine future, tant dans les applications chirurgicales que dans les modèles de traitement médicamenteux.

Un exemple concret de l’application des cellules souches est survenu pendant la pandémie de COVID-19. Au début de la crise, confrontée à un patient infecté en état critique, nous avons décidé d’utiliser des cellules souches mésenchymateuses en raison de leurs propriétés anti-inflammatoires et immunorégulatrices. 

Après quatre transplantations, le patient, initialement gravement malade, a montré une récupération significative. Ce succès nous a conduits à effectuer des transplantations de cellules souches sur plus de 500 patients en Turquie atteints de la COVID-19 et en condition intensive.

En 2005, j’ai eu l’opportunité de fréquenter l’Université Harvard. Mon intérêt pour les cellules souches m’a conduit à cette prestigieuse institution, car au début de mes études précliniques, je manquais d’informations approfondies sur le sujet. Pendant mon séjour à Harvard, j’ai pu approfondir mes connaissances en suivant des cours et en apprenant des techniques avancées, telles que la méthode de transplantation de pancréas chez la souris.

Cette expérience à l’Université Harvard a été enrichissante, me permettant d’acquérir des compétences pratiques et de m’immerger dans le domaine des cellules souches. À mon retour en Turquie, fort de cette expérience, j’ai fondé le premier centre de recherche et développement du pays dédié aux cellules souches. 

Ce centre a contribué à l’avancement de la recherche et des connaissances dans le domaine des cellules souches en Turquie.