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Et si l’être humain n’avait pas cinq sens… mais plus de trente ? Une idée reçue remise en cause par la science

Edité par : Dr Salim BENLEFKI | Docteur en neuroscience
27 décembre 2025

Depuis l’enfance, une certitude s’impose : l’être humain disposerait de cinq sens. La vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher. Une classification simple, rassurante, mais largement dépassée. Selon plusieurs experts, et notamment des philosophes et neuroscientifiques, cette vision serait aujourd’hui scientifiquement inexacte. L’humain posséderait en réalité entre 22 et 33 sens distincts.

La théorie des cinq sens remonte à Aristote. Elle a traversé les siècles et s’est imposée dans l’enseignement, malgré les avancées majeures des sciences cognitives. Or, cette classification ne reflète ni la complexité du cerveau humain ni la richesse de nos perceptions quotidiennes.

Dans un article publié sur le site scientifique The Conversation, le philosophe Barry Smith, directeur de l’Institut de philosophie de l’Université de Londres, explique que nous percevons bien plus que ce que cette liste laisse entendre.

Barry Smith rappelle que notre expérience sensorielle est constante, multiple et souvent inconsciente. À chaque instant, le cerveau traite une multitude d’informations :

  • la rugosité ou la douceur d’une surface,
  • la tension musculaire dans les épaules,
  • la texture d’un aliment en bouche,
  • la sensation de fraîcheur du dentifrice,
  • le bruit et la température de l’eau sous la douche,
  • l’odeur du shampoing,
  • l’arôme du café fraîchement préparé.

Ces sensations ne relèvent pas toutes des cinq sens « classiques ». Elles sont issues de systèmes sensoriels spécialisés, chacun doté de récepteurs et de circuits neuronaux spécifiques.

Notre cerveau ne traite jamais les sens de manière isolée. Les neurosciences montrent que les informations sensorielles sont intégrées en permanence. Voir influence ce que nous entendons. Sentir modifie ce que nous goûtons. Toucher altère la perception d’un son ou d’une odeur.

Barry Smith souligne par exemple que certains arômes peuvent donner l’illusion d’une texture plus riche ou plus crémeuse, sans modification réelle de la composition d’un aliment. La viscosité d’un yaourt ou d’une boisson influence la manière dont les odeurs remontent vers les fosses nasales, modifiant ainsi la perception du goût.

Selon de nombreux neuroscientifiques, il serait plus juste de parler de 22 à 33 sens distincts. Parmi eux :

  • La proprioception : Elle permet de savoir où se trouvent nos membres dans l’espace sans les regarder. C’est elle qui nous permet de marcher dans le noir ou de toucher notre nez les yeux fermés.
  • L’intéroception : Elle nous informe de l’état interne de notre corps : rythme cardiaque, respiration, faim, soif, température corporelle, malaise ou bien-être général.
  • La nociception : Souvent intégrée au toucher, elle correspond en réalité à la perception de la douleur.
  • La thermoperception : Elle permet de distinguer le chaud du froid, indépendamment du toucher classique.

Ces systèmes sensoriels possèdent chacun leurs récepteurs spécifiques et leurs voies neuronales dédiées.

Certains sens traditionnels regroupent en réalité plusieurs systèmes distincts :

  • Le toucher inclut la pression, la douleur, la température, les vibrations et les démangeaisons.
  • Le goût ne repose pas uniquement sur la langue. Il combine la gustation, l’odorat, le toucher buccal et même la température.

Cette complexité explique pourquoi une perte de l’odorat, comme lors d’une infection au Covid-19, entraîne souvent une altération majeure du goût. Les aliments deviennent fades, non parce que la langue ne fonctionne plus, mais parce que le cerveau ne reçoit plus les informations olfactives nécessaires.

Les interactions entre les sens vont encore plus loin. Barry Smith cite un exemple bien connu en aéronautique : le bruit constant des avions altère la perception des saveurs sucrées et salées. Seul le goût umami résiste à ce phénomène. C’est pourquoi le jus de tomate est souvent jugé plus agréable en vol que d’autres boissons.

Loin d’être anecdotiques, ces découvertes modifient notre compréhension du cerveau, de l’alimentation, du comportement et même de certaines pathologies neurologiques ou psychiatriques.

Il y a toujours une multitude de choses autour de vous qui témoignent de la complexité de vos sens, si vous prenez un instant pour les observer.

À retenir

L’être humain ne se limite pas à cinq sens. Il dispose d’un réseau sensoriel complexe, interconnecté et dynamique. Prendre conscience de cette richesse permet de mieux comprendre notre rapport au monde, mais aussi notre santé, notre alimentation et nos émotions. La prochaine fois que vous marchez, mangez ou respirez, souvenez-vous : vos sens travaillent ensemble, bien au-delà de ce que l’on vous a appris à l’école.

Mots clés : sens ; homme ; neuroscientifique ; sensoriel ; santé ; nociception ; thermoperception ; intéroception ; proprioception ;

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