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Covid long et cycles menstruels : une femme sur deux concernée

Edité par : Dr BRAHIMI Souad | Docteure en médecine
23 octobre 2025

Depuis le début de la pandémie, de nombreuses femmes ont remarqué un bouleversement inattendu après une infection au SARS-CoV-2 : leurs cycles menstruels ont changé. Règles plus abondantes, plus longues, parfois décalées… Ces modifications, d’abord considérées comme anecdotiques, sont désormais confirmées par la science.

Une nouvelle étude révèle que le virus perturbe durablement les hormones et aggrave certains symptômes

Une vaste étude franco-britannique, publiée dans la revue Nature Communications, établit un lien clair entre Covid long et perturbations menstruelles. Selon les auteurs, près d’une femme sur deux touchée par le Covid long présente des saignements anormaux ou une irrégularité du cycle. Ces troubles hormonaux, loin d’être bénins, semblent aggraver la fatigue, les douleurs musculaires et les troubles cognitifs caractéristiques de cette affection prolongée.

Pour mieux comprendre ce phénomène, les chercheurs ont combiné trois approches complémentaires :

1. Une enquête populationnelle menée auprès de plus de 12 000 femmes britanniques, permettant d’identifier la fréquence et la nature des perturbations menstruelles après infection.

2. Un suivi clinique de 54 patientes atteintes de Covid long, observées pendant trois mois.

3. Des analyses biologiques sur des échantillons sanguins et d’endomètre (le tissu tapissant l’utérus), afin d’explorer les mécanismes hormonaux et immunitaires sous-jacents.

Les résultats sont sans équivoque : les femmes atteintes de Covid long présentent une activité inflammatoire persistante, une altération des niveaux hormonaux (notamment de progestérone et d’œstrogènes) et des signes de déséquilibre du système immunitaire au niveau de l’endomètre.

Le cycle menstruel est étroitement régulé par des interactions complexes entre le cerveau, les ovaires et le système immunitaire. L’infection par le SARS-CoV-2 perturberait cette régulation à plusieurs niveaux.

D’abord, le virus peut endommager les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins, affectant la vascularisation de l’utérus et la qualité de l’endomètre. Ensuite, l’inflammation chronique observée dans le Covid long entraîne une hyperactivation du système immunitaire, qui interfère avec la production normale des hormones sexuelles.

Cette perturbation peut se traduire par :

  • des règles plus longues ou plus abondantes ;
  • des cycles irréguliers ;
  • une augmentation des douleurs pelviennes ou dorsales ;
  • ou, à l’inverse, une aménorrhée temporaire (absence de règles).

Les chercheurs notent aussi que certaines patientes développent des symptômes proches du syndrome prémenstruel permanent : irritabilité, troubles du sommeil, baisse de moral ou douleurs diffuses.

Selon les scientifiques, les troubles hormonaux ne sont pas seulement une conséquence du Covid long : ils pourraient aussi entretenir la maladie.

En effet, la chute des œstrogènes — hormones aux propriétés anti-inflammatoires et neuroprotectrices — favoriserait la persistance des symptômes tels que la fatigue chronique, le brouillard cérébral ou les douleurs articulaires.

 « Nos travaux suggèrent une interaction bidirectionnelle : l’infection perturbe le cycle hormonal, et ce déséquilibre hormonal, à son tour, aggrave le Covid long », explique la Dre Caroline Petit, endocrinologue et coautrice de l’étude.

Ce mécanisme expliquerait pourquoi les femmes sont plus souvent touchées par le Covid long que les hommes, et pourquoi leurs symptômes fluctuent parfois avec les phases du cycle.

Les hormones sexuelles féminines jouent un rôle crucial dans la régulation de l’humeur et des fonctions cognitives.

Une perturbation hormonale prolongée peut accentuer :

  • les troubles de la concentration,
  • le brouillard mental,
  • et les symptômes dépressifs.

Les chercheurs estiment qu’environ 60 % des patientes rapportent une aggravation de ces troubles dans les jours précédant ou suivant leurs règles. Ce phénomène, appelé “syndrome d’exacerbation cyclique”, pourrait devenir un marqueur clinique du Covid long féminin.

Les experts appellent à intégrer la santé menstruelle dans la prise en charge du Covid long, souvent centrée jusqu’ici sur la fatigue et la rééducation respiratoire.

Voici quelques conseils médicaux proposés par les chercheurs :

1. Tenir un journal du cycle menstruel pour repérer les variations de symptômes.

2. Faire doser les hormones sexuelles (œstrogènes, progestérone, FSH, LH) si les cycles deviennent irréguliers.

3. Consulter un gynécologue ou endocrinologue spécialisé en cas de saignements abondants ou de douleurs accrues.

4. Veiller à un apport suffisant en fer et en vitamine B12, souvent réduits par des règles prolongées.

5. Pratiquer une activité physique douce et régulière (yoga, marche, natation) pour réguler les hormones de stress.

6. Éviter l’automédication hormonale sans avis médical.

Les scientifiques insistent également sur la nécessité de poursuivre les recherches afin de mieux comprendre l’interaction entre le système endocrinien féminin et le virus.

L’étude ouvre une voie nouvelle dans la compréhension du Covid long. Elle met en évidence un biais de genre dans les symptômes, longtemps sous-estimé dans la recherche biomédicale.

« Les femmes ont été les premières à remarquer ces perturbations, mais leurs observations ont mis du temps à être prises au sérieux », soulignent des spécialistes. « Aujourd’hui, nous savons qu’il s’agit d’un signal biologique réel, et non d’une simple coïncidence. »

Reconnaître cette réalité, c’est aussi mieux adapter les traitements et redonner de la légitimité à une souffrance encore trop souvent invisible.

Le lien entre Covid long et déséquilibres hormonaux illustre combien la maladie dépasse le simple cadre respiratoire. Elle touche les systèmes nerveux, immunitaire, vasculaire… et endocrinien.

Chez les femmes, le cycle menstruel devient un miroir précieux de la santé globale. L’observer attentivement pourrait aider les médecins à anticiper, prévenir ou atténuer les rechutes.

Mots clés : Covid long ; femme ; santé ; déséquilibres ; hormonaux ; immunitaire ; vasculaire ; menstruel ;

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