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Alzheimer et nouveau-nés : une protéine commune aux deux extrêmes de la vie intrigue les chercheurs

Edité par : Dr Salim BENLEFKI | Docteur en neuroscience
2 juillet 2025

C’est une découverte inattendue, mais riche d’enseignements. Des scientifiques ont identifié un point commun biologique étonnant entre deux populations à première vue opposées : les nouveau-nés et les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Tous deux présentent des niveaux élevés d’une protéine importante du cerveau, appelée tau phosphorylée – plus précisément p-tau217 – biomarqueur reconnu de la neurodégénérescence. Ces résultats, publiés dans la revue ‘’Brain Communications’’, pourraient bouleverser notre compréhension du cerveau humain et ouvrir la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques.

Dans le cerveau adulte, notamment chez les personnes âgées atteintes d’Alzheimer, l’augmentation anormale de la protéine p-tau217 est un signal inquiétant. Cette molécule, lorsqu’elle s’accumule de façon excessive, perturbe le fonctionnement des neurones, provoque leur dégradation progressive et altère la transmission des signaux nerveux. Elle est considérée comme un indicateur avancé de la progression de la maladie, souvent détectée avant même les premiers signes cliniques.

Mais chez les nouveau-nés, et plus encore chez les prématurés, les chercheurs ont mesuré des taux de p-tau217 encore plus élevés que chez les patients Alzheimer. Pourtant, dans ce contexte, ces taux ne sont pas pathologiques. Au contraire, ils seraient essentiels au bon développement du cerveau.

Selon les chercheurs, la présence de cette protéine en grande quantité chez les nouveau-nés permettrait de stimuler la formation des connexions neuronales, d’accélérer la croissance des cellules nerveuses et de façonner les réseaux cérébraux en construction. Ces mécanismes sont cruciaux pendant les premières semaines de vie, une période marquée par une intense activité cérébrale où se développent les fonctions motrices, sensorielles et cognitives.

Au fil des mois, les niveaux de p-tau217 diminuent naturellement, atteignant progressivement ceux observés chez l’adulte en bonne santé. Cette phase de régulation semble donc jouer un rôle protecteur et structurateur.

Cette dualité de la protéine tau, bénéfique en début de vie mais délétère avec l’âge, interpelle les neuroscientifiques. Comment une molécule aussi précieuse dans les premières semaines peut-elle devenir un facteur de destruction quelques décennies plus tard ? Pour Fernando Gonzalez-Ortiz, chercheur principal de l’étude, cette transition constitue une piste de recherche majeure : « Si nous parvenons à comprendre comment le cerveau des nourrissons régule cette protéine, nous pourrions peut-être reproduire ces mécanismes chez l’adulte pour ralentir ou prévenir la neurodégénérescence. »

En d’autres termes, il s’agirait de réactiver chez les personnes âgées des processus de contrôle et de réparation qui existent naturellement à la naissance.

Actuellement, la maladie d’Alzheimer touche plus de 55 millions de personnes dans le monde, selon l’OMS. Malgré les avancées scientifiques, il n’existe à ce jour aucun traitement curatif. Les thérapies disponibles visent uniquement à ralentir la progression des symptômes.

Cette nouvelle étude suggère une approche totalement inédite : imiter les mécanismes du cerveau en développement pour contrer les effets du vieillissement cérébral. Cela pourrait, à terme, inspirer de nouveaux traitements capables de bloquer l’accumulation anormale de protéines tau ou de restaurer les fonctions neuronales altérées.

La protéine p-tau217 incarne ainsi toute la complexité du cerveau humain. Elle joue un rôle fondamental dans la croissance neuronale du nourrisson, puis devient un marqueur de déclin cognitif à l’âge avancé. Cette protéine aux deux visages pourrait bien être la clé d’une meilleure compréhension du vieillissement cérébral, et un levier thérapeutique majeur pour l’avenir.

Alors que la population mondiale vieillit, cette découverte souligne l’importance de mieux comprendre les processus biologiques du développement précoce pour lutter contre les maladies neurodégénératives. Un pont inattendu entre le début et la fin de la vie, qui pourrait bien révolutionner la médecine du cerveau.

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