Une Bonne Santé pour une Vie Meilleure

Le président du SNPAA ‘‘ Rendre la pharmacie rentable et réviser certaines lois ’’

Edité par : Chabane Bouarissa | Journaliste
20 juin 2023

M. Samir Ouali, vient d’être fraichement élu président du Syndicat national des pharmaciens algériens agréés (SNPAA), pour un mandat de trois ans. Pour ce pharmacien, « être président est juste un titre » car le travail est avant tout accompli par les membres du bureau, qui a la même vision pour l’avenir de la profession. Son but est de défendre la profession et considère que son seul parti politique, est la pharmacie.

‘’Ma Santé, Ma Vie’’ l’a contacté, à l’issue des travaux du 1er congrès du SNPAA, organisés jeudi 08 juin 2023 à l’hôtel El Ksob de M’Sila, et nous a répondu à cœur ouvert.

Ma Santé, Ma Vie : Avant d’être président du Syndicat national des pharmaciens algériens agréés (SNPAA), vous êtes d’abord pharmacien d’officine. Pouvez-vous nous décrire les spécificités de ce métier en Algérie ?

Samir OUALI : Le pharmacien d’officine joue un rôle très important dans la société Algérienne à plusieurs niveaux. Bien sûr, il dispense des médicaments. Mais il est d’abord là pour conseiller, accompagner le patient. Il joue un rôle d’éducateur social très important, souvent méconnu et peu valorisé et il participe à de nombreux actes de la vie quotidienne bien au-delà de la dispensation des médicaments. Son rôle est donc social et multiple.

En qualité de président du Syndicat national des pharmaciens algériens agréés (SNPAA), quelle est votre vision à propos de son rôle ?

Ce Syndicat est l’émanation de plusieurs pharmaciens de 38 wilayas des quatre coins du pays. Son rôle est très important car il défend le quotidien de l’officinal. Nous sommes là pour donner notre avis et défendre, à tous points de vue, l’avenir de la profession par rapport à la politique générale de notre ministère de tutelle et du gouvernement en général. Donner notre avis, notre vision et nos attentes par rapport à notre profession et par rapport au médicament en Algérie.

Nous avons conscience que chaque région a ses spécificités dans l’exercice du métier de pharmacien. Pour avoir une vision globale et construire une stratégie pour la profession, nous avons besoin de connaître les doléances de chacun, aussi convient-il de nous enrichir des idées de tous.

 

Quid de l’action collégial des instances du SNPAA ?

Le Conseil national du Syndicat est composé de 30 membres de divers horizons représentant toutes les régions du pays. Ainsi, Le bureau du syndicat est formé de 12 pharmaciens.  Donc une bonne répartition des représentants des pharmaciens au niveau du Syndicat, surtout avec la présence en force des pharmaciens des zones enclavées au sein de ces deux instances.

Le SNPAA, qui est là pour exercer ce rôle, doit être accompagnée de toute l’intelligence qui forme la profession. Nous voulons définir une vision à court, moyen et long terme qui soit celle de la profession dans son ensemble. Nous allons nous inspirer de nos expériences anciennes et celles des autres, apprendre d’elles pour ne pas répéter les mêmes erreurs et essayer de trouver les meilleures solutions pour sauver ce secteur hautement stratégique dans le système de santé et de soins dans notre pays, tout en tenant compte de nos propres spécificités et aspirations.

Un programme de travail sera élaboré avec les membres du conseil pour garantir la transmission des préoccupations des pharmaciens aux hautes autorités du pays et préserver les acquis que la profession a réalisé durant ces dernières années.

 

Actuellement, quel est votre chantier prioritaire ?

La viabilité du secteur d’officine. Je prends un exemple : le gouvernement et, à travers lui, le ministère de la Santé, a une nouvelle vision de la politique du médicament. Nous sommes preneurs, mais il faut savoir que cette politique ne doit en aucun cas mettre en péril le secteur de l’officine. Il n’est pas concevable de mettre en place une politique du médicament sans tenir compte des intérêts des pharmaciens.

Je prends un autre exemple : la baisse des prix de certains produits pharmaceutiques va automatiquement entrainer la baisse du chiffre d’affaires des officines qui n’auront d’autre choix que de fermer. Cette mesure, certes positive pour le citoyen, a eu des répercussions sur notre chiffre d’affaires et aucune mesure d’accompagnement n’a été prévue pour le pharmacien. La non majoration des marges bénéficiaires des pharmacies va induire à une perte sèche de plus de 20%.

Prenons le cas des petites et moyennes officines, notamment celles des zones rurales, actuellement pas moins de 500 sont dans l’impossibilité de continuer d’exercer leur profession, ce qui va provoquer inévitablement leur fermeture et la perte de plusieurs emplois directs et indirects. Entre 45 et 50% des officines risquent de fermer bientôt, notamment dans les zones d’ombres et ainsi perturber la couverture médicamenteuse dans ces zones.

Durant tout ce temps, le coût de la vie a explosé, nous assistons, ainsi à une paupérisation de la population des pharmaciens d’officine. Aujourd’hui, certains ne gagnent même pas le SMIG et beaucoup d’entre eux vont finir par s’inscrire au chômage si des solutions ne sont pas mises en place.

Le syndicat avait saisi à maintes reprises les autorités compétentes et j’appelle à ouvrir le dossier des prix des médicaments. Je vous annonce, à cette occasion et pour la première fois, que nous allons proposer à la tutelle, ‘’l’augmentation des paliers’’, c’est-à-dire, au lieu de 100 DA pour le premier palier, il faut l’augmenter à 200 DA, par exemple, car il n’y a pas beaucoup de médicament à 100 DA. Même chose pour les autres paliers.

 

Quelle est la position du SNPAA  au sujet des psychotropes ?

Le point qui est toujours à l’ordre du jour du SNPAA est celui de la loi sur les psychotropes. Le SNPAA refuse de saisir systématiquement les autorités sur ce qui peut être un simple oubli de la part du prescripteur. L’article 5 bis-7 pose problème à la corporation qui le rejette totalement. Rien ne protège le pharmacien selon l’article 5 bis-7, et la dénonciation obligatoire est en contradiction avec l’article 301 du code pénal.

La conformité d’une ordonnance manuscrite ou électronique n’est pas un crime en soi et le pharmacien ne doit pas être pénalisé pour une simple erreur administrative, au même titre que des représentants locaux de l’administration, conformément à l’instruction présidentielle 02-2021 qui dépénalise l’acte de gestion administrative. Les rapports entre pharmacien et médecin sont régis par le décret relatif à la déontologie, et le pharmacien ne peut pas calomnier un médecin parce qu’il a oublié une information sur un patient.

Cet article remet également en cause le principe du secret médical. Si on déclare aux autorités sanitaires chaque ordonnance comportant des erreurs qui n’influent en rien sur le malade et sa maladie, on bafoue le secret médical, car l’ordonnance renseigne sur la maladie du patient et ne peut être rendue publique sauf sur dérogation de la justice.

Il y a aussi l’article 16, sur les peines prévues qui selon nous, sont beaucoup trop lourdes pour une ordonnance ou une mal interprétation d’un document non standardisé.

Avez-vous d’autres dossiers prioritaires ?

Oui Un autre chantier nous attend, celui des permanences de nuit qui mérite beaucoup d’attention de la part de tous les intervenants du secteur. J’appelle, par l’occasion, à l’ouverture d’un débat en incluant tous les acteurs afin de trouver une issue favorable.

 

Est-ce qu’il n’est pas temps de réfléchir à mettre en place de nouveaux critères d’autorisation d’ouverture des officines (démographie et volumes des dépenses en médicaments). Qu’en pensez- vous ?

Le 200 mètres est un acquis et nous ne pouvons plus faire marche arrière. Nous sommes trop nombreux en Algérie qui compte pas moins de 13 000 pharmacies. L’OMS (Organisation mondiale de la santé) préconise une pharmacie pour 5 000 habitants, l’Algérie en compte une pour 3 400 et même dans certaines wilayas on a constaté une pharmacie pour 2000 habitants.

Nous avons aussi recensé plus de 15 000 nouveaux diplômés en pharmacie. Il est impossible de les injecter dans le secteur des officines. Je pense qu’il faut orienter ces nouveaux diplômés et les futurs pharmaciens vers l’exercice de la profession en milieu hospitalier, dans les entreprises agro-alimentaires, les labos de recherches, les unités de fabrications de médicaments,…

 

Quelle est la position du syndicat face à la pénurie de certains médicaments ?

La rupture des stocks de médicaments vitaux est, certes, un vieux problème récurrent qui dure depuis plusieurs décennies en Algérie. Mais ces dernières années, ce fléau a pris des proportions alarmantes. Ces ruptures de stocks concernent autant les médicaments importés que ceux produits localement. Retrait des médicaments, arrêt de production dans les pays d’origine, pénurie de matières premières…, les causes avancées pour justifier ces ruptures sont multiples.

Mais ce n’est pas que cette raison qui est à la source du problème. Les agissements de quelques importateurs, producteurs et distributeurs ont compliqué la situation. Ils imposent aux pharmaciens des ventes conditionnelles et concomitantes que nous condamnant fermement.

D’ailleurs, nous avons alerté la tutelle à plusieurs reprises sur ce genre de pratiques qui obligent les pharmaciens à ne plus s’approvisionner de tous les médicaments demandés. Tout retard dans la production, la distribution ou la commercialisation des médicaments impactera au final le malade algérien qui a droit au respect total. Il faut préciser que ces problèmes sont d’ordre conjoncturel. Ils sont probablement liés à la problématique de la régulation.

Nous avons toujours plaidé pour la relance de ‘‘ l’Observatoire national de veille sur la disponibilité des produits pharmaceutique’’ qui est un dispositif d’anticipation et de gestion des risques de rupture de stocks. Ce genre de dispositif imposera aux exploitants de prévenir en cas d’une prochaine rupture de stock et doit également permettre de favoriser le partage d’informations concernant le circuit des médicaments entre les laboratoires, les usines, les grossistes, les distributeurs et les pharmacies.

 

Quelles sont vos relations avec les autres syndicats ?

Les syndicats ont pour but de défendre et de préserver les intérêts des pharmaciens et de toute la profession. À ce titre, ils ont un rôle central dans les négociations et peuvent être à l’origine d’un certain nombre d’actions telles que des propositions de solutions, enrichissement des lois,…

Dans l’ensemble, notre organisation syndicale est favorable aux autres et est toujours prêtes à collaborer avec tout le monde. Nous avons aussi de bonnes relations avec le fervent protecteur de la légalité, ainsi que la moralité professionnelle : l’Ordre des Pharmaciens Algériens, que nous respectant beaucoup.

Avec ce dernier, nous échangeons beaucoup de choses et nous lui apportons notre soutiens dans sa noble mission, entre autres assurer le respect des devoirs professionnels, assurer la défense de l’honneur et l’indépendance de la profession, veiller à la compétence des pharmaciens, contribuer à promouvoir la santé publique et la qualité des soins, incluant la sécurité des actes professionnels.

Par ailleurs, Notre syndicat est ouvert au dialogue avec tous les autres syndicats ainsi que les autorités. Nous avons toujours prôné le dialogue, la concertation et le respect des autres. Nous considérons tous les autres syndicats comme des alliés. Nous avons beaucoup de points communs. Nous n’avons aucun problème avec eux ou avec le ministère.

 

Un dernier mot…

Nous sommes un syndicat ouvert à tous les professionnels du secteur. Le rôle du SNPAA est de défendre les intérêts de la profession, du pharmacien d’officine dans son exercice quotidien et d’être une force de proposition pour nos instances pour un meilleur avenir du secteur. Aussi, nous accompagnons le pharmacien dans sa formation continue (colloques, échanges, rencontres,…) pour une mise à niveau de ses connaissances scientifiques et tout ce qui peut l’aider dans la gestion au quotidien de sa pharmacie.

Aussi, nous allons ouvert beaucoup d’autres chantiers très diversifiés pour créer une réelle dynamique, pour essayer d’améliorer le quotidien du pharmacien et l’accompagner au maximum dans ses problèmes et soucis également. Alors, nous invitons, par l’occasion, les pharmaciens à nous rejoindre.

Qui est Samir Ouali ?

Ouali Mohamed Tahar Samir, 42 ans, Pharmacien diplômé de la faculté de pharmacie de Constantine ; Master 2 en droit des affaires ; PDG d’une spa de pharmaciens ; Membre du syndicat de wilaya et national du Snapo avant d’occuper le poste de vice-président et porte parole du SNPAA.

B.C

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