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Fatigue informationnelle : quand le trop-plein d’informations met en danger la santé au travail

Edité par : Dr Souad BRAHIMI | Docteur en médecine
20 septembre 2025

Boîtes mails saturées, notifications en cascade, visioconférences à répétition… Dans un monde professionnel où l’hyperconnexion est devenue la norme, la surcharge d’informations n’est plus un simple désagrément : c’est un problème de santé publique. Plusieurs études révèlent que plus d’un quart des actifs se déclarent touchés par la fatigue informationnelle.

Un fléau silencieux dans les entreprises connectées

Derrière ce terme encore peu connu se cache une réalité inquiétante : des travailleurs concernés souffrent de stress, d’anxiété et de dépression, tandis que près d’un sur trois a déjà frôlé le burn-out.

Les outils numériques, conçus pour simplifier la communication, génèrent paradoxalement un flot incessant de sollicitations. Un salarié consacre en moyenne deux heures par jour à trier des informations non essentielles. Chez les dirigeants, ce chiffre explose : jusqu’à 290 courriels quotidiens, dont la moitié ne les concerne pas directement.

La surcharge cognitive se manifeste par :

  • une attention fragmentée,
  • des difficultés à hiérarchiser les priorités,
  • une perte d’efficacité,
  • une augmentation des erreurs,
  • une fatigue mentale durable.

Les interruptions répétées exigent des efforts de reconcentration constants : le cerveau met parfois plus d’une heure pour retrouver son niveau d’attention optimal après une sollicitation numérique.

La fatigue informationnelle ne se limite pas à réduire la productivité : elle altère la santé mentale et physique. Stress chronique, anxiété, troubles du sommeil, migraines, fatigue persistante… les symptômes sont multiples. À long terme, ce climat favorise l’épuisement professionnel, avec un risque accru de burn-out.

Au-delà de la santé mentale, les effets physiologiques sont désormais établis :

  • dérèglement du sommeil,
  • tension artérielle accrue,
  • troubles musculosquelettiques liés au temps d’écran prolongé,
  • fragilisation du système immunitaire par le stress chronique.

L’essor du télétravail accentue le phénomène. En l’absence de limites claires entre vie professionnelle et personnelle, de nombreux salariés répondent à leurs emails en dehors des horaires officiels.

Résultat : une ‘’laisse numérique’’ permanente, qui empêche toute véritable récupération.

Selon une enquête récente, des actifs déclarent répondre à des sollicitations professionnelles après leurs heures de travail, et admettent traiter des affaires personnelles depuis leur bureau. Ce mélange des sphères entraîne une disponibilité permanente, source d’épuisement mental.

Trois éléments amplifient particulièrement la fatigue informationnelle :

1. La culture de l’immédiateté : chaque notification est perçue comme urgente, imposant une hyper-réactivité stressante.

2. La multiplication des outils numériques : messageries instantanées, logiciels de gestion, emails, plateformes collaboratives… L’absence de stratégie cohérente engendre des redondances et une complexité inutile.

3. Le culte du multitâche : encore valorisé dans de nombreuses entreprises, il se révèle inefficace et néfaste pour la concentration.

Face à ce risque émergent, les spécialistes en santé au travail et en neurosciences proposent des recommandations :

  • Encadrer l’usage des emails et notifications : privilégier les messages essentiels, limiter les envois hors horaires de bureau.
  • Réduire les réunions : instaurer des journées sans réunion ou favoriser des formats courts et ciblés.
  • Respecter le droit à la déconnexion : bloquer l’accès aux plateformes professionnelles après une certaine heure et promouvoir des temps de repos réellement protégés.
  • Former les salariés : ateliers de gestion des flux d’informations, techniques de concentration et d’organisation des priorités.
  • Simplifier les outils numériques : rationaliser et centraliser les plateformes pour éviter la redondance et fluidifier la communication.
  • Instaurer des temps de travail en profondeur : plages horaires sans interruption pour favoriser la réflexion et la créativité.
  • Surveiller la santé mentale : dépistage précoce des signes de stress chronique, accompagnement psychologique en cas de surcharge.

La fatigue informationnelle est désormais reconnue comme une nouvelle forme de pénibilité au travail, au même titre que les contraintes physiques ou les risques chimiques. Sa prévention doit devenir une priorité des politiques de santé au travail.

Les entreprises qui prennent ce problème au sérieux n’y gagnent pas seulement en qualité de vie au travail. Elles améliorent aussi la productivité, l’innovation et la fidélisation des talents.

À l’ère numérique, trouver l’équilibre entre efficacité technologique et santé mentale des salariés est un défi stratégique incontournable.

La clé est claire : placer l’humain au cœur de la transformation digitale.

Pour les salariés :

1. Hiérarchiser les priorités : distinguer les tâches essentielles des sollicitations secondaires.

2. Gérer les notifications : désactiver les alertes non urgentes et planifier des moments dédiés à la consultation des mails.

3. Pratiquer le “deep work” : réserver 1 à 2 heures par jour sans interruption (téléphone et messagerie coupés).

4. Respecter les temps de repos : éviter les écrans le soir, instaurer des rituels de déconnexion avant le coucher.

5. Prendre soin de sa santé : pauses régulières, hydratation, activité physique légère pour réduire le stress.

Pour les managers et entreprises :

1. Limiter les emails collectifs : envoyer uniquement les messages indispensables et clairs.

2. Optimiser les réunions : fixer un ordre du jour précis, limiter leur durée, instaurer des journées sans réunions.

3. Encourager le droit à la déconnexion : rappeler aux équipes qu’aucune réponse n’est attendue en dehors des horaires de travail.

4. Former aux bonnes pratiques numériques : sensibilisation sur la gestion des flux d’informations et la prévention du stress.

5. Montrer l’exemple : un manager qui respecte ses propres règles de déconnexion incite son équipe à en faire autant.

Mots clés : travail ; connexion ; santé ; informations ; fatigue ; informationnelle ;

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