Pr Abdelghani Yagoubi, gastropédiatre libéral au Centre algérois de pédiatrie (Draria)
Le Pr Abdelghani Yagoubi, est gastropédiatre, une « sur-spécialité de la pédiatrie », comme il a tenu à la définir. Nous l’avions rencontré lors des 1 ère Rencontres Interactives de Médecine Générale (RIAMG SUD) (la quatrième de l’année), les 02 et 03 décembre 2021 au Complexe Sidi Yahia, à Biskra. Un des conférencier ayant animé des communications en plénière et des ateliers, il revient sur sa présentation dans cet entretien « La diarrhée aiguë chez le nourrisson et le petit enfant».
Quelle est la place qu’occupent les maladies diarrhéiques dans le classement mondial et national de la mortalité infantile ?
Si on exclue les pathologies du nouveau-né (âgé de moins de 1 mois), les maladies diarrhéiques sont parmi les causes les plus fréquentes de mortalité infanto-juvénile dans le monde. En Algérie, elles sont en deuxième position après les pneumonies.
La réduction de cette mortalité fait partie des objectifs de développement durable (ODD) du programme des Nations-Unis pour le développement (PNUD), ratifié par l’Algérie. Depuis, la mise en œuvre par le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière (MSPRH) du programme de lutte contre les maladies diarrhéiques et l’élaboration d’un guide pour les professionnels de la santé, cette mortalité a régressée, passant de 34‰ en 2002, à 19‰ en 2019.
Quelle est, selon vous, la définition la plus complète que l’on puisse donner à la diarrhée aiguë ?
La diarrhée n’est pas uniquement une augmentation de la fréquence des selles émises, elle peut, également, se présenter sous forme de selles molles et plus liquides, notamment, lorsque l’enfant garde une fréquence normale inférieure à 3 selles par jour. Il est, donc, essentiel de bien tenir compte de la description des selles même si la fréquence paraitra normale.
Qu’est-ce qui fait la gravité de la diarrhée aiguë du nourrisson ?
En présence d’une diarrhée aiguë (qui évolue depuis moins d’une semaine), l’important est de vérifier l’existence d’une déshydratation, car celle-ci conditionnera le pronostic vital de l’enfant, notamment, lorsqu’il s’agit d’un nourrisson de moins de 2 ans.
Les parents peuvent remarquer le début d’une déshydratation dés qu’il y a une réduction, voire une disparition des larmes lors des pleurs, une augmentation des tétées témoignant de la soif, une réduction de la diurèse, ou encore, l’enfant devient irritable ou au contraire assommé, léthargique. Dans tous ces cas, les parents doivent consulter le médecin qui décidera en fonction de l’interrogatoire et de l’examen de l’enfant si celui-ci nécessitera une hospitalisation ou uniquement une prise en charge en ambulatoire.
Quelque que soit le type de prise en charge choisi, le risque de sévérité et de persistance de la diarrhée (plus de 7 jours) sera plus grand si l’âge du nourrisson est inférieur à 6 mois ou si la diarrhée est abondante (plus de 8 épisodes / jour), ou si les vomissements sont fréquents et persistants, voire s’il y a de la fièvre, de la léthargie, du mucus dans les selles, une perte d’appétit ou une perte de poids. Il faut, également, être vigilant : lorsque l’enfant présentait auparavant une maladie chronique sous-jacente (malnutrition, un déficit immunitaire …), il doit, dans ce cas, être surveillé de près pour adapter la prise en charge à l’évolution de son état.
Comment peut-on différencier l’origine virale de l’origine bactérienne d’une diarrhée ?
La diarrhée aiguë du nourrisson est souvent d’origine virale. Il n’y a pas encore de paramètre biologique accessible qui pourra différencier l’origine virale de l’origine bactérienne d’une diarrhée aiguë. Cependant, l’origine bactérienne est suspectée cliniquement à cause de trois facteurs :
- Le premier : l’enfant présente une fièvre supérieure à 40°C.
- Le deuxième : lorsque du sang est visible dans les selles.
- Le troisième et dernier facteur : l’apparition des douleurs abdominales ou bien des signes neurologiques.
Quels remèdes contre la diarrhée proposez-vous aux enfants ?
La pierre angulaire du traitement d’une diarrhée aiguë est la réhydratation, si la déshydratation n’a pas déjà compliqué la diarrhée. La voie orale est la voie de prédilection de la réhydratation, à privilégier à chaque fois que l’enfant puisse boire, en utilisant les sels de réhydratation orale « SRO ».
Les SRO, ont permis de sauver des millions de patients au cours de la pandémie de Choléra des années 1970, ce qui leur a valu le titre de l’avancée médicale la plus importante du 20eme siècle. Leur composition a été modifiée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour qu’elle soit plus adaptée à la diarrhée d’origine virale. Ces SRO suffisent souvent à eux seuls pour améliorer l’état de l’enfant. Parfois, un traitement adjuvant peut être prescrit (associé aux SRO) comportant des anti-diarrhéiques (Racecadotril, Smectite) ou des probiotiques (Saccharomyces boulardii).
Cependant, si des vomissements s’associent à la diarrhée, ils ne devraient pas faire arrêter les SRO et ne seraient toujours pas nécessaires pour inciter à l’ajout des anti-émétiques. Quant aux antibiotiques, ils sont le plus souvent inutiles, car la diarrhée est essentiellement d’origine virale.
Dans tous les cas, l’allaitement maternel (ou à défaut par formule infantile) doit être poursuivi sans modification. Les laits sans lactose peuvent être conseillés lorsque la diarrhée persiste au-delà d’une semaine.
Pour conclure…
Rappelons que la prévention de la diarrhée aiguë passe par la promotion de l’allaitement maternel ainsi que par l’hygiène individuelle et collective. Ces deux axes de prévention s’inscrivent, d’ailleurs, dans le cadre des programmes nationaux de santé publique. Un autre moyen de prévention consiste à vacciner les nourrissons contre le Rotavirus, qui ne fait pas encore partie du programme national de vaccination.
Z. Z.