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Neuropaludisme : un œdème cérébral à l’origine des décès

Edité par : Dr Salim BENLEFKI | chercheur en neuroscience
27 avril 2025

Connu pour ses épisodes de fièvre intense, le paludisme peut évoluer vers une forme bien plus grave : le neuropaludisme. Cette complication sévère, potentiellement mortelle, peut aussi laisser de lourdes séquelles neurologiques chez les survivants, en particulier les enfants. Pour mieux comprendre les mécanismes de cette forme cérébrale, une équipe de chercheurs français a combiné deux techniques d’imagerie avancée afin d’observer, en temps réel, les altérations survenant dans le cerveau de souris infectées.

Les travaux, menés par l’équipe d’Angèle Viola au Centre de résonance magnétique biologique et médicale (CNRS, Marseille), se sont appuyés sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM) pour détecter les anomalies structurelles du cerveau. En complément, la spectrométrie par résonance magnétique (SRM) a permis de suivre les perturbations métaboliques liées à l’infection. Le modèle expérimental s’appuie sur un parasite proche de celui qui provoque le paludisme chez l’homme, et qui entraîne chez la souris une forme équivalente de neuropaludisme.

En étudiant le cerveau des souris atteintes de paludisme cérébral, les scientifiques ont constaté une détérioration de la barrière hémato-encéphalique. Cette barrière, en temps normal, joue un rôle essentiel : elle agit comme un filtre très sélectif entre le sang et le cerveau, empêchant les agents pathogènes, les toxines ou les substances inflammatoires d’atteindre le tissu cérébral. Mais en cas d’infection sévère, cette protection est compromise. Des microfissures apparaissent, rendant la barrière perméable. Des molécules normalement bloquées pénètrent alors dans le cerveau, provoquant une inflammation et des dommages aux cellules nerveuses.

En parallèle, les chercheurs ont observé un autre phénomène inquiétant : une baisse significative de l’apport en oxygène au niveau des capillaires cérébraux. Ces minuscules vaisseaux, chargés d’irriguer les neurones, ne parviennent plus à assurer un débit sanguin suffisant. Résultat : certaines zones du cerveau se retrouvent en situation d’hypoxie, c’est-à-dire en manque d’oxygène. Or, les neurones sont des cellules particulièrement sensibles à ce déficit : privées de leur carburant essentiel, elles cessent de fonctionner correctement, puis dégénèrent.

L’association de ces deux défaillances – une barrière cérébrale devenue poreuse et une oxygénation insuffisante – crée un environnement hostile pour le cerveau. Ce déséquilibre favorise l’inflammation, les lésions irréversibles et, dans les cas les plus graves, la mort des cellules cérébrales, ce qui explique en partie la gravité du neuropaludisme.

L’une des découvertes les plus marquantes de cette étude réside dans la présence d’un œdème cérébral massif, une complication dévastatrice. L’œdème, qui désigne l’accumulation excessive de liquide dans les tissus, provoque un gonflement important du cerveau. Ce phénomène entraîne une compression des artères cérébrales, ce qui perturbe gravement la circulation sanguine. En raison de cette compression, le flux sanguin, déjà affaibli par les lésions de la barrière hémato-encéphalique et l’hypoxie, est encore plus restreint. Les neurones, de plus en plus privés de leur alimentation en oxygène et en nutriments, se retrouvent dans une situation de plus en plus critique.

Ce dysfonctionnement vasculaire conduit à une cascade de conséquences dramatiques. À mesure que l’œdème progresse, les structures cérébrales subissent une pression énorme, ce qui peut entraîner des lésions irréversibles, voire la mort cérébrale. Les chercheurs ont observé que cet œdème massif est directement lié à la mortalité des souris infectées par le parasite du paludisme. Ce phénomène est d’autant plus préoccupant qu’il diminue considérablement les chances de survie.

Les travaux, publiés dans le ‘’Journal of Neuroscience’’, révèlent ainsi un mécanisme jusqu’ici peu documenté dans l’étude du neuropaludisme. Ces résultats montrent que l’œdème cérébral joue un rôle crucial dans l’évolution fatale de la maladie, ce qui pourrait ouvrir la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques. L’objectif serait d’intervenir plus rapidement pour éviter ou limiter ce gonflement, réduisant ainsi les risques de lésions cérébrales irréversibles.

L’équipe de chercheurs a émis l’hypothèse que les mécanismes observés chez les souris infectées par le parasite du paludisme pourraient être similaires chez l’être humain. En effet, le neuropaludisme est une forme particulièrement agressive de la maladie, et elle touche principalement les enfants vivant dans les zones endémiques, où le paludisme est endémique. Cette forme cérébrale du paludisme est la plus grave et se manifeste souvent par des symptômes neurologiques sévères, notamment des convulsions, un coma, et dans les cas les plus graves, des lésions cérébrales irréversibles.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que près de 7 % des enfants qui survivent au neuropaludisme souffrent de troubles neurologiques persistants. Ces troubles peuvent se traduire par des déficits cognitifs, affectant la capacité d’apprentissage et de mémorisation, ainsi que des troubles moteurs, pouvant nuire à la coordination et à l’autonomie. Les enfants touchés par ces complications peuvent présenter des retards dans leur développement moteur et intellectuel, impactant leur qualité de vie à long terme.

Ces conséquences graves soulignent l’importance de traiter rapidement le neuropaludisme pour limiter les dommages cérébraux et les séquelles neurologiques à long terme. De nouvelles recherches sur les mécanismes en relation avec cette forme de la maladie pourraient ouvrir des perspectives pour des traitements plus ciblés et efficaces, contribuant ainsi à réduire les souffrances et à améliorer le pronostic des enfants affectés par cette pathologie dévastatrice.

Mots clés : cerveau ; neuropaludisme ; enfant ; recherches ;