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Première journée de formation médicale continue de la SAOMM; Nécessité du dépistage de l’obésité et du surpoids

Edité par : Ourida Ait Ali | journaliste
20 septembre 2022

La Société algérienne d’obésité et de maladie métabolique (SAOMM), créée le 14 novembre 2021 et agréée par l’Etat le 17 mars 2022, a organisé, le 8 septembre 2022, à Alger, sa première Journée nationale de formation médicale continue (FMC), dont la thématique est «Agissons ensemble contre l’obésité et le diabète».

Plusieurs communications relatives à la prévention de l’obésité, pathologie classée par l’OMS comme maladie chronique évolutive, ont été présentées par différents spécialistes. Par ailleurs, la prise en charge pluridisciplinaire et l’accompagnement des personnes atteintes par ce fléau pathologique, ainsi que les complications qu’elle engendre, sont notamment les faits saillants évoqués par les spécialités lors de cette rencontre.

 

Professeur Amar Tebaïbia, chef de service de médecine interne à l’EPH de Bitraria (Alger) et président de la SAOMM

Pr Amar Tebaibia

Un bon diagnostic pour bien traiter

A l’entame des travaux, le Pr Amar Tebaïbia énoncera d’emblée la nécessité de prendre en charge, précocement, les personnes atteintes d’obésité. En effet, dira- t-il, un individu obèse ou en surpoids n’est pas sans risque de développer des maladies cardiovasculaires, le diabète, voire certains cancers ainsi que des troubles de fertilité.

Au demeurant, pour bien prendre en charge ces patients, il faut, précisera l’intervenant, établir un bon diagnostic. De plus, rechercher, si éventuellement, le sujet n’aurait pas développé d’autres pathologies liées à son obésité. Toujours est-il que l’espérance de vie diminue chez les personnes obèses.

Approche psycho-psychiatrique

La prise en charge psycho-psychiatrique est un paramètre très important, fera savoir le Pr Tebaïbia. En effet, en raison du regard de l’autre, et la stigmatisation dont font l’objet les personnes en surpoids et obèses, les conséquences sont lourdes. Or, chez les enfants, ce type de violence a un impact négatif des plus forts, avec des dégâts souvent irréversibles.

Pour parer à toutes ces nuisances, le spécialiste a formulé des recommandations et conseils aux jeunes médecins pour une approche également psychologique de la consultation afin de réussir l’entretien, en apportant assurance et sérénité au patient.

Prévenir l’obésité chez l’enfant.

Il est question, avant tout, de permettre un bon départ à l’enfant sur le plan sanitaire. Pour cela, il est important d’encourager l’allaitement maternel jusqu’à 24 mois. Promouvoir une alimentation saine chez les enfants, les jeunes et les adolescents dans les établissements scolaires. Lutter contre le tabagisme qui est un facteur de risque modifiable des maladies non transmissibles, fera savoir notre interlocuteur.

Réactiver Le plan national de lutte contre les MNT 

Le professeur Amar Tebaïbia a insisté sur la nécessité impérieuse de mettre en application «le plan stratégique national multisectoriel de lutte intégrée contre les facteurs de risque des maladies non transmissibles», élaboré depuis 2014 par le ministère de la Santé, en collaboration avec l’Union européenne. Il est à rappeler, dira le président de la SAOMM, que ce plan s’articule autour de nombreuses mesures relatives à l’hygiène de vie dès la naissance.

Sur un autre volet, le spécialiste appelle à mettre fin à la publicité mensongère qui fait la promotion de produits néfastes pour la santé, mais plutôt encourager la pratique sportive et réduire la consommation de sel, de sucre et de graisse.

 

Professeur Rachid Malek, chef de service de médecine interne au CHU de Sétif, président de la Société algérienne de médecine interne et vice-président de la SAOMM

Pr Malek

Pr Malek

Lors de sa communication intitulée «Obésité, maladie chronique : quels enjeux ?», le Pr Rachid Malek a souligné l’importance de cette journée d’étude et de FMC sur l’obésité et ses complications, eu égard à la situation épidémiologique y afférente dans notre pays. En effet, selon les derniers résultats de l’enquête Step Wise du ministère de la Santé, en 2017 le taux d’obésité était de 30% chez les femmes et de 14% chez les hommes. Cette situation risque de s’aggraver si rien n’est fait pour la corriger.

Causes du surpoids et d’obésité 

Le Pr Rachid Malek citera, en premier lieu, le régime alimentaire. Il déplorera le fait que les jeunes sont sujets à la «macdonalisation» et la «cocalisation» (chawarma, m’hadjeb, pizza… accompagnées de boissons sucrées). Ces nourritures engendrent une prise de poids rapide car associées à un manque d’activité physique, surtout chez la femme au foyer. Donc l’apparition de l’obésité est quasi immédiate.

Cette pathologie, reconnue en tant que telle par l’OMS depuis 1992, et depuis deux ans dans notre pays, est à l’origine d’autres maladies, précisera le professeur. L’obésité peut entraîner 230 maladies, dont les plus importantes sont le diabète,la dyslipidémie, l’hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires, certains cancers, les varices, des problèmes cutanés, et ce, nonobstant des conséquences fonctionnelles, comme la difficulté à marcher, du fait des rhumatismes et arthroses, ce qui fait que la qualité de vie du patient devient médiocre. Tout comme elle peut causer des troubles de fertilité.

Causes épigénétiques

Le conférencier citera également un autre problème d’ordre épigénétique, généré par une mauvaise alimentation, c’est-à-dire la modification du patrimoine génétique. Pour cela, il citera en exemple les Pimas, tribu indienne vivant au sud des USA.

Cette tribu, expliquera le Pr Rachid Malek, vivait depuis la nuit des temps du travail de la terre et avait donc une bonne hygiène de vie. Mais, malheureusement, à l’arrivée des blancs, ces derniers les ont parqués dans des réserves, sans aucune activité, et consommaient ce que les Yankees leur donnaient. Aussi, ils développèrent l’obésité et d’autres maladies métaboliques. Ainsi, la moitié de la population souffre de diabète, alors que les Pimas qui se trouvent de l’autre côté de la frontière, au Mexique, sont épargnés de cette pathologie.

Impact psycho social

Au demeurant, le Pr Rachid Malek aura signalé, sur le plan psycho-social, le regard ambigu de l’autre sur la personne obèse. En effet, autant l’obèse est souvent sujet à dérision autant, paradoxalement, certaines familles cherchant épouse à leur fils préfèrent les jeunes filles sveltes qui, il faut le reconnaître, se gavent d’une foultitude de produits pour soi-disant prendre des couleurs, comportement très dangereux qu’il importe d’abolir, fera-t-il savoir.

Dépistage

L’intervenant aura insisté sur le dépistage afin de prévenir les comorbidités. Pour ce faire, il exhortera le sujet à risque à mesurer son Indice de masse corporelle (IMC), lequel permet d’évaluer son statut pondéral, dont la moyenne se situe entre 18,5 et 25. Au-delà de ce niveau, il s’agira d’un surpoids, voire d’une obésité qui se présente en grades, dont le troisième, sévère, appelle à une prise en charge avec des moyens appropriés.

Traitements

Les traitements proposés par le conférencier sont, entre autres, une alimentation saine et équilibrée, accompagnée de l’activité physique. En outre, il existe actuellement des traitements médicamenteux qui ont donné de très bons résultats.

Il y a également la chirurgie bariatrique qui demeure limitée car indiquée dans des cas particuliers. Cette chirurgie doit être pratiquée par une équipe pluridisciplinaire et surveillée avant, pendant et après l’acte chirurgical.

Impact de l’obésité et des maladies métaboliques sur le budget

Le Pr Rachid Malek énoncera l’impact financier de l’obésité et précisera que 13% des dépenses de santé au plan mondial sont consacrées aux conséquences de l’obésité, à travers les maladies induites, d’où l’importance de la prévention.

Guide pour les médecins généralistes sur la prise en charge de l’obésité

A l’heure actuelle, un guide pour médecins généralistes est en cours d’élaboration au niveau du ministère de la Santé, en collaboration avec la SAOMM. Ce guide est dédié à la prise en charge de personnes en surpoids et obèses. Toutefois, il importe de signaler que le traitement de cette pathologie ne peut être exclusivement médical, mais en revanche, cela doit être le souci de tous.

En effet, pour ce faire, il est fait appel, entre autres dispositions, à différents secteurs économique, culturel, social, sportif, éducatif… Ainsi, l’industrie alimentaire devra proposer des produits aux normes nutritives et diététiques. Le monde sportif est tenu d’encourager la pratique du sport et mettre à disposition les moyens adéquats au bénéfice de ces personnes, conclura le Pr Rachid Malek.

 

Professeur Adlen Zaamouche, chef de service de médecine interne au CHU Constantine, membre fondateur de la SAOMM

Pr Adlen Zaamouche

«Je suis obèse mais je reste actif»

«L’obèse métaboliquement sain : mythe ou réalité ?». Le professeur Adlen Zaamouche fera savoir, lors d’un entretien accordé au magazine «ma Santé ma Vie», que l’obésité, est un véritable fléau de santé publique et notre pays n’en est pas épargné.

A la question de savoir ce qu’est un «obèse métaboliquement sain», notre interlocuteur expliquera que si un individu est obèse ou en surpoids, non atteint par une HTA, un diabète ou autres maladies cardiovasculaires, il est néanmoins sujet à risque. Autrement dit, il s’agit d’un sujet obèse avec un bilan de santé normal. Il ne nécessite pas de traitement, cependant, à terme, il développera toutes ces maladies métaboliques.

Ainsi, avec une obésité abdominale et dans le cas d’une insulino-résistance, ou encore, d’une atteinte hépatite stéatosique, le patient souffrira d’un diabète voire d’une hypertension artérielle. Aussi, d’autres complications ostéo-articulaires, d’insuffisance respiratoire et musculaire.

En conséquence, il est urgent de le prendre en charge, précisera le praticien. Le spécialiste dira, en outre, qu’à ce patient, il faut donner des conseils nutritionnels et l’inciter à pratiquer une activité physique.

Enfin, expliquant le slogan «Je suis obèse mais actif», le professeur indiquera que même si l’activité physique ne fait pas perdre de poids, il faut rester néanmoins actif. De plus, d’être actif permet de garder une bonne fonction cardio-respiratoire, ce qui est très important pour éviter la maladie.

 

Dr Kamel Kadri, médecin nutritionniste, service de médecine interne à l’EPH de Bitraria (Alger) et secrétaire général de la SAOMM

Dr Kamal Kadri

«Une bonne hygiène de vie s’inscrit dans la durée»

Dans une intervention au magazine «ma Santé ma Vie», Dr Kamel Kadri explique qu’une bonne hygiène de vie c’est à la fois pratiquer une activité physique régulière, éviter la consommation de produits toxiques : tabac et autres, observer une alimentation variée, saine et équilibrée, gérer le stress. Il importe aussi de respecter les heures de sommeil, lorsqu’on sait que le manque de sommeil est l’une des causes de surpoids, d’obésité, de maladies cardiovasculaires et même de certains cancers.

Une alimentation saine se doit d’être variée, équilibrée et modérée, selon Dr Kadri. Cette alimentation doit s’inscrire dans la durée et non pas suivre un régime yoyo d’un mois pour perdre du poids puis on reprend les mauvaises habitudes néfastes.

En tout état de cause, il importe de signaler qu’une alimentation saine commence d’abord au stade infantile. En effet, Dr Kadri explique que le nourrisson doit prendre le lait maternel de manière exclusive, autant que possible, pendant les 6 premiers mois, puis au fur et à mesure, une alimentation mixte avec la prise de fruits et légumes puis une alimentation équilibrée et variée de façon permanente.

S’agissant de l’activité physique, il indique que cette pratique est conseillée à tout un chacun, a fortiori les sujets en surpoids, voire obèses. Mais dans tous les cas, elle demeure sous contrôle  médical afin d’éviter tout événement fâcheux.

Composition des repas : équilibre entre les différents nutriments

Selon Dr Kadri, le repas doit comporter des glucides, des protides, des lipides, des micronutriments, c’est-à-dire des fruits et légumes, du lait et ses dérivés. Il affirme que notre organisme a besoin de tous ces nutriments pour être en bonne santé et le rester.

Il s’agit en fait d’un équilibre entre les différents nutriments : les sucres occupent 50 à 55% de la ration calorique globale journalière, dont les trois quart sont des sucres lents, le quart restant constitué de sucres rapides. A cela s’ajouteront des lipides à hauteur de 30 à 35% et le reste constitué de protides.

Dr Kadri insiste sur le fait que notre alimentation doit être modérée, autrement dit, sans excès. Il faut donc mettre de l’ordre dans son désordre alimentaire et corriger certaines erreurs diététiques.

Rôle du médecin généraliste

Evoquant le rôle du médecin généraliste dans la prise en charge du patient, Dr Kadri a indiqué que le médecin généraliste c’est le général de la médecine. « A une époque, le médecin généraliste était marginalisé. Puis, on s’est rendu compte que tous les programmes de santé publique ne fonctionnaient pas sans lui. », a affirmé notre interlocuteur. Le médecin généraliste est la pierre angulaire de la santé publique de par sa disponibilité, sa proximité de la population au niveau des centres de santé, du fait qu’il soit en première ligne dans la prévention et l’éducation thérapeutique.

  1. A. O.
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